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Quand la Corée du nord fait son cinéma

Avec sa série « Vice Guide to Film », Shane Smith s'est fait une spécialité de décortiquer les industries cinématographiques de différents pays. Mais quand il envisage de pointer sa sympathique bouille à Pyongyang, les choses se corsent.










Si les Etats-Unis ont Hollywood, la Corée du Nord a PyongYong et ses studios de cinéma situés dans la capitale. De véritables quartiers chinois, japonais...y sont reconsitués permettant de produire toute type de film sans quitter le territoire.
Kim Jong Il, grand cinéphile (la légende veut qu'il possède une énorme collection de DVD de films occidentaux) n'hésite pas à donner des conseils aux réalisateurs, aux acteurs et parfois même donne son avis sur les scénarios (comme sur le film "Le Journal d'une jeune nord coréenne").


Toutefois à la fin des années 70 le futur dirigeant nord-coréen souhaite donner une image plus moderne à son cinéma. C'est ainsi qu'il n'hésitera pas à capturer en 1978 à Hong Kong l'actrice Choi Eyun-Hee puis quelques mois après son mari le réalisateur sud coréen Shin Sang-Ok . Leur histoire est digne d'un James Bond et aurait pu faire un excellent scénario de film sauf que là l'histoire est véridique et que le couple restera prisonnier pendant quelques années en Corée du Nord.
Il s'agissait pour le régime d'avoir un réalisateur reconnu qui serve la propagande en place. Shin Sang-Ok se distinguera notamment par la réalisation du film "Pulgasari" en 1985. Il s'agit d'un film que les puristes appellent un Kaiju-Eiga (film de monstre en Japonais). Le plus connu étant sans doute la série des "Godzilla" produit par la Toho au Japon.  "Pulgasari" innove de par son sujet mais également par la collaboration avec les Japonais. Ainsi le studio Toho s'occupe des effets spéciaux tandis que l'acteur Kenpachiro Satsuma qui avait enfilé auparavant le costume de Godzilla interprête ici "Pulgasari".




Pour la partie japonaise aucun rapt n'eut lieu. Le film reste un OVNI Cinématographique pour la Corée du Nord. Shin Sang-Ok et Choi Eyun-Eee réussiront par la suite à s'enfuir en faussant compagnie à leurs "gardes du corps" nord-coréens durant un voyage pour le festival de Venise en 1986.
En dehors de "Pulgasari", la Corée du Nord s'essaya à un autre genre très en vogue en Asie à savoir le cinéma d'action comme on en trouve à Hong-Kong. C'est ainsi que fut produit "Hong Kil Dong" en 1986. Des tentatives de moderniser le cinéma nord-coréen et de lui donner un aspect exportable ce qui sera d'ailleurs le cas puisque "Pulgasari" sortira notamment au Japon.
Cette ouverture vers l'étranger peut se remarquer aussi avec des co-productions comme l'étrange "Ten Zan l'ultime mission". Ce film sans saveur qui a pour origine l'Italie montre un PyongYang moderne à travers un film d'espionnage rocambolesque. La plupart du temps néanmoins les films étrangers tournés en Corée du Nord sont des documentaires qui doivent recevoir l'aval des autorités en place.




La vitrine du cinéma en Corée du Nord serait sans doute le festival du film de PyongYang créé en 1987 sous l'impulsion de Kim Jong Il. Tous les deux ans sont projetés des films à la fois nord-coréens mais aussi étrangers avec des invités du monde entier. C'est ainsi que furent montrés dans la capitale à l'occasion de cet événement des films comme "La Marche de l'Empereur" ou bien encore "Shaolin Soccer".  C'est d'ailleurs grâce à ce festival que James Velaise, le responsable de Pretty Pictures, a pu prendre les contacts nécessaires afin de sortir le premier film nord-coréen en France : "Le journal d'une jeune nord-coréenne". Le festival est avant tout reservé aux professionnels et le grand public nord-coréen n'a jamais eu l'occasion de voir un film occidental jusqu'au 26 décembre 2010 où "Joue la comme Beckham" fut diffusé à la télévision ce qui a constitué une première et sans doute une petite révolution dans un pays aussi fermé.
S'il y a néanmoins un domaine où la Corée du Nord arrive à s'ouvrir et même exporte ses productions c'est au niveau de l'animation avec notamment les fameux studios SEK (Science Educational Korea). De nombreux films d'animation ont été réalisés dans ces studios principalement en raison du faible coût de la main d'oeuvre mais aussi du fait de la qualité des différents animateurs y travaillant. Un des premiers projets français réalisé avec ce studio fut le superbe "Gandahar" de René Laloux sorti en 1988.  D'autres projets furent également réalisés là-bas comme la série animée "Corto Maltese". L'auteur québécois Guy Delisle a ainsi pu faire partager son expérience dans ce studio à travers la bande dessinée "PyongYang". Le studio permi aussi le temps d'un film de réunir les deux corées en 2005 avec "L'impératrice Chung" qui sorti à la même date dans l'ensemble de la péninsule coréenne.




Au delà de ces co-productions, l'animation reste aussi un élément clef pour le cinéma et la télévision nord-coréenne où elle reprend un visage plus politique à l'image des films en prise de vue réelle.
A la fois sous-traitant mais aussi véritable acteur dans le monde de l'animation, la SEK cumule les casquettes mais est sans doute le visage le plus intéressant dans le domaine du film nord-coréen.
Finalement la Corée du Nord dévoilera sans doute l'ensemble de ses différentes réalisations cinématographiques le jour où le pays s'ouvrira véritablement. Pour le moment ce ne sont que quelques bribes qui parviennent jusqu'à chez nous mais qui nous permettent de voir  que le cinéma reste un élément culturel incontournable du pays à la fois en tant que divertissement mais aussi en tant que medium pour véhiculer l'idéologie en place.

Propos recueillis sur kochipan.org