Affichage des articles dont le libellé est Littérature. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Littérature. Afficher tous les articles

Serge Venturini



Serge Venturini est un poète aux aguets. Aux aguets du feu qui couve au loin, aux aguets du feu qui  brûle en lui.
« Nuage rouge », comme on le surnomme, Serge Venturini n’est pas un brasier de colère, mais un éveilleur de lucide conscience. Ses traductions d‘Alexandre Blok, d’Anna Akhmatova, de Sayat-Nova et d’autres, ses hommages à Missak Manouchian, renseignent sur son empathie pour « la poétique de résistance », vers ceux qui se tiennent debout à l’orée des mots.

Mots d’éclairs destinés à consumer tous les hommes de paille squattant l’humanité.

Serge Venturini est un poète français, né le 12 octobre 1955 à Paris. C'est un poète du devenir humain. Il écrit dans le devenir de la poésie. Sa poétique est traversée par de nombreuses métamorphoses : Poétique du devenir humain (2000), Poétique du posthumain (2007), Poétique du transhumain (2009), au Journal du transvisible (2010), de la Poétique de l'inaccompli (2012) à la Poétique de l'approche de l'inconnaissable, (2010-2013). Sa poésie philosophique est en lutte contre les conformismes, elle cherche l'éclatement des genres et n'éclaire que par renversements. Serge Venturini dirige depuis 2009, la collection « Lettres arméniennes » aux Éditions L'Harmattan. Sa poésie engagée est celle d'un « itinérant avec la brûlante et dense vérité de sa parole en actes. »

Il attend tapi, à l'affût, dans le transvisible qu’il définit ainsi :
Entre le visible et l'invisible, le réel et le rêve, le transvisible se situe à l'intersection de ces mondes, des mondes, où il joue l'interface. Insistons sur leur perméabilité, la porosité de ces mondes, car certains esprits trop cartésiens sont étrangers à ce dialogue. Les poètes mythographes, vecteurs de transvisibilité, passeurs de lumière, porteurs du feu de la parole, sont des êtres à mi-chemin entre ces deux mondes. Dans le passage du visible à l'invisible, du monde des vivants au monde des morts, le transvisible transfigure le temps.

Gil Pressnitzer

TIGRE  DE  L’ŒIL

                  Et que derrière un voile, invisible et présente,
                 J’étais de ce grand corps, l’âme toute-puissante.
Jean Racine, « Britannicus », I, 1, Agrippine, 1669

Au-dessus des eaux mugissantes et glacées du fleuve des morts, il existe un pont entre le visible et l’invisible ; à peine un léger pont, étroit et tranchant comme un yatagan, tout au plus une fragile passerelle rouge et noire que l’on franchit, le temps d’une vision. Cette vision partant du visible s’ouvre vers l’invisible.

Or, nous cheminons hennissant tel Pégase vers le transvisible. Les êtres visibles me sont souvent invisibles, alors que je vois, dans mes absences au monde réel, — les êtres invisibles.

Lorsque mon regard transperce l’invisible, ils me sont manifestes dans la transparence, ils viennent sourdre du visible pour apparaître, tout droit venus de l’invisible couverts de cette rosée comme surgis d’une brume épaisse, connus et inconnus.

Le beau, et cela n’est guère neuf, est l’expression de l’invisible, même si le mystère de ce monde demeure dans le visible, même si les temps où nous vivons refusent de regarder en face l’invisible, car ils refusent de sortir de la matière pour voir au-delà du corps. Chez eux, — l’œil n’écoute plus rien, n’entend plus ni langues rares, ni couleurs stridentes, ni parfums empourprés.
Quand la porte du visible est enfin ouverte, alors dans toute sa splendeur les formes éclatantes émergent de l’invisible. Les corps animés deviennent musique, théâtre d’ombres portées au plus noir, — têtes renversées.


Cependant nous ne sommes plus dans le monde des fantômes, dans le monde des fausses apparences, nous sommes dans le monde de l’être, — du devenir même aux formes changeantes et scintillantes, où nous apercevons l’espace-temps d’un instant, le déploiement de ces beautés neigeuses d’éclat qui toujours nous subjuguent. — Ô Fravarti !

Elles vont ces corps-dansant, ces corps fluides, ces corps liquides se développant aux rayons du soleil naissant, corps brûlants entrevus, à la flamme d’une chandelle, au clair-obscur du désir, comme au plus profond de la nuit miroitante.

Dans un mythe qui n’a pas encore dit son nom, étoile non-visible à l’œil nu, — ma présence dévoilée se révèle dès lors dans l’invisible. — Non ! Je ne suis pas hors du grand corps, 
— mais en plein cœur de la vision.

Paris, le 22 décembre 2007



20 Mai 1959 ✝ 28 Février 2013



Mais si seulement tu savais la taille de mon âme

...


 




Site Daniel Darc :http://www.danieldarc.fr

Cantique des Cantiques






1. Poème des poèmes qui est à Shelomo.
Cant1 2. Il me baisera des baisers de sa bouche; oui, tes étreintes sont meilleures que le vin.
3. À l'odeur, tes huiles sont bonnes, ton nom est une huile jaillissante; aussi, les nubiles t'aiment.
4. Tire-moi derrière toi, courons ! Le roi m'a fait venir en ses intérieurs. Jubilons, réjouissons-nous en toi ! Mémorisons tes étreintes mieux que le vin ! Les rectitudes t'aiment.
5. Moi, noire, harmonieuse, filles de Ieroushalaîm, comme tentes de Qédar, comme tentures de Shelomo.
6. Ne me voyez pas, moi, la noirâtre: oui, le soleil en moi s'est miré. Les fils de ma mère ont brûlé contre moi; ils m'ont mise gardienne de vignobles. Mon vignoble à moi, je ne l'ai pas gardé!
7. Rapporte-moi, toi que mon être aime, où tu pais, où tu t'étends à midi ; car pourquoi serais-je comme affublée, auprès des troupeaux de tes amis ?
8. Si tu ne le sais pas pour toi, la belle parmi les femmes, sors pour toi sur les traces des ovins; pâture tes chevreaux aux demeures des pâtres.
9. À ma jument, aux attelages de Pharaon, je te compare, ô ma compagne !
10. Tes joues sont harmonieuses dans les pendeloques, ton cou dans les gemmes.
11. Nous ferons pour toi des pendeloques d'or, avec des pointes d'argent.
12. Le roi encore sur son divan, mon nard donne son odeur.
13. Mon amant est pour moi un sachet de myrrhe; il nuite entre mes seins.
14. Mon amant est pour moi une grappe de cypre, aux vignobles de 'Éïn Guèdi.
15. Te voici belle, ma compagne, te voici belle aux yeux palombes.
16. Te voici beau, mon amant, suave aussi; aussi notre berceau est luxuriant.
17. Les cèdres sont les poutres de nos maisons; nos lambris, des genévriers.

Cant2 Chapitre 2.- Lotus des vallées
1. Moi, l'amaryllis du Sharôn, le lotus des vallées.
2. Comme un lotus parmi les vinettiers, telle est ma compagne parmi les filles.
3. Comme un pommier parmi les arbres de la forêt, tel est mon amant parmi les fils.
4. Je désirais son ombre, j'y habite; son fruit est doux à mon palais.
5. Il m'a fait venir à la maison du vin; son étendard sur moi, c'est l'amour.
6. Soutenez-moi d'éclairs, tapissez-moi de pommes: oui, je suis malade d'amour.
7. Sa gauche dessous ma tête, sa droite m'étreint.
8. Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour avant qu'il le désire ! Va vers toi-même 8. La voix de mon amant ! Le voici, il vient ! Il bondit sur les monts, il saute sur les collines.
9. Il ressemble, mon amant, à la gazelle ou au faon des chevreuils... Le voici, il se dresse derrière notre muraille ! Il guette aux fenêtres, il épie aux treillages !
10. Il répond, mon amant, et me dit: Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !
11. Oui, voici, l'hiver est passé, la pluie a cessé, elle s'en est allée.
12. Les bourgeons se voient sur terre, le temps du rossignol est arrivé, la voix de la tourterelle s'entend sur notre terre.
13. Le figuier embaume ses sycones, les vignes en pousse donnent leur parfum. Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !
14. Ma palombe aux fentes du rocher, au secret de la marche, fais-moi voir ta vue, fais-moi entendre ta voix ! Oui, ta voix est suave, ta vue harmonieuse.
15. Saisissez pour nous les renards, les petits renards, saboteurs de vignobles ! Nos vignobles sont en pousse.
16. Cant3Mon amant à moi, et moi à lui, le pâtre aux lotus.
17. Jusqu'à ce que le jour se gonfle, s'enfuient les ombres, fais volte-face, ressemble pour toi, mon amant, à la gazelle ou au faon des chevreuils, sur les monts de la rupture.

 Chapitre 3.- Noces 1. Sur ma couche, dans les nuits, j'ai cherché celui qu'aime mon être. Je l'ai cherché, mais ne l'ai pas trouvé.
2. Je me lèverai donc, je tournerai dans la ville, dans les marchés, sur les places. Je chercherai celui qu'aime mon être. Je l'ai cherché mais ne l'ai pas trouvé.
3. Les gardes qui tournaient dans la ville m'ont trouvée. « Celui qu'aime mon être, l'avez-vous vu ? » 4. De peu les avais-je dépassés que je trouvai celui qu'aime mon être. Je l'ai saisi et ne le lâcherai pas avant de l'avoir fait venir à la maison de ma mère, dans l'intérieur de ma génitrice.
5. Je vous adjure, filles de Ieroushalaîm, par les gazelles ou par les biches du champ, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour avant qu'il le désire !
6. Qui est celle qui monte du désert, comme palmes de fumée, encensée de myrrhe et d'oliban, de toutes les poudres du colporteur ?
7. Voici le lit de Shelomo, soixante héros sont autour de lui, des héros d'Israël;
8. tous armés d'épée, initiés à la guerre, chaque homme son épée sur sa cuisse, contre le tremblement des nuits.
9. Cant4Le roi Shelomo s'est fait un palanquin en bois du Lebanôn.
10. Il fait ses colonnes d'argent, sa tapisserie d'or, ses montants de pourpre, son intérieur tapissé d'amour par les filles de Ieroushalaîm.
11. Sortez, voyez, filles de Siôn, le roi Shelomo, le nimbe dont sa mère l'a nimbé le jour de sa noce, le jour de la joie de son coeur !

Chapitre 4.- Viens avec moi 1. Te voici belle, ma compagne, te voici belle ! Tes yeux palombes à travers ton litham; tes cheveux tel un troupeau de caprins qui dévalent du mont Guil'ad;
2. tes dents tel un troupeau de tondues qui montent de la baignade; oui, toutes jumelées, sans manquantes en elles.
3. Tes lèvres, tel un fil d'écarlate, ton parler harmonieux; telle une tranche de grenade, ta tempe à travers ton litham ;
4. et telle la tour de David, ton cou, bâti pour les trophées: mille pavois y sont suspendus, tous les carquois des héros.
5. Tes deux seins, tels deux faons, jumeaux de la gazelle, pâturent dans les lotus.
6. Avant que le jour se gonfle et s'enfuient les ombres, j'irai vers moi-même au mont de la myrrhe, à la colline de l'oliban.
7. Toi, toute belle, ma compagne, sans vice en toi.
8. Avec moi du Lebanôn, fiancée, avec moi du Lebanôn, tu viendras ! Tu contempleras de la cime d'Amana, de la cime du Senir et du Hermôn, des tanières de lions, des monts de léopards !
9. colombeTu m'as incardié, ma soeur-fiancée, tu m'as incardié d'un seul de tes yeux, d'un seul joyau de tes colliers.
10. Qu'elles sont belles, tes étreintes, ma soeur-fiancée, qu'elles sont bonnes tes étreintes, plus que le vin !
11. L'odeur de tes huiles plus que tous les aromates !
12. De nectar, elles dégoulinent, tes lèvres, fiancée !
13. Le miel et le lait sous ta langue, l'odeur de tes robes; telle l'odeur du Lebanôn !
14. Jardin fermé, ma soeur-fiancée, onde fermée, source scellée !
15. Tes effluves, un paradis de grenades, avec le fruit des succulences, hennés avec nards;
16. nard, safran, canne et cinnamome avec tous les bois d'oliban; myrrhe, aloès, avec toutes les têtes d'aromates !
17. Source des jardins, puits, eaux vives, liquides du Lebanôn !
18. Éveille-toi, aquilon ! Viens, simoun, gonfle mon jardin ! Que ses aromates ruissellent ! Mon amant est venu dans son jardin; il mange le fruit de ses succulences.

 Alain Bashung & Chloé Mons

Amiri Baraka



Figure emblématique de la résistance noire, éditeur des icônes de la Beat Generation comme Jack Kerouac ou Allen Ginsberg, LeRoi Jones devient Amiri Baraka après l’assassinat de Malcolm X et s’engage avec son spoken word et ses influences jazz contre les injustices et les politiques du mal.



« Si Elvis Presley est le King, qui est James Brown ? Dieu ? » A.Baraka


C’est à Newark, New Jersey, en plein New Deal, le 7 octobre 1934, que naît LeRoi Jones (Amiri Baraka), dans un univers ravagé par la misère et le désespoir ; conséquences d’un racisme hypocrite que le nord industriel avait sciemment institutionnalisé. Nul besoin dès lors de s’interroger quant aux motivations qui allaient sous-tendre sa colère ou guider ses combats.
Féru de musique, ainsi que d’un langage simple et direct, il lance un premier pavé dans la mare putride de la critique blanche dès 1963 en publiant Le Peuple du blues, qui devient vite le premier ouvrage référence issu de la communauté noire. 

Non seulement il y jette un regard nouveau sur les origines et le pouvoir libérateur de la musique afro-américaine, mais il y dénonce aussi un système raciste qui n’a de cesse de s’approprier cette musique pour la vider de son sens, de ses traits authentiquement noirs. À cette époque, il s’est déjà rendu à Cuba, et les autorités le soupçonnent d’allégeance aux doctrines marxistes.
Il rédige alors sa pièce phare, Dutchman, puis fonde le Black Art Movement. C’est en 1967 qu’il change d’identité, que LeRoi Jones devient Imamu Amear Baraka, puis Amiri Baraka, forme d’hommage à ses « origines » africaines et d’affirmation cultuelle. Par la suite, il continuera d’écrire, deviendra l’un des fondateurs du spoken words, ancêtre du rap, aux cotés des Last Poets. A ce jour, il a publié une quarantaine d’ouvrages, pièces et recueils de poésie.
Ainsi, empreinte d’une forme d’obstination, son action finit par être perçue comme « un pendant culturel au nationalisme noir », une force intégralement vouée à lutter contre le racisme, l’oppression et le colonialisme culturel imposé à l’Amérique noire par la superstructure politico-commerciale blanche.


Photo : P.Bastien

Lors de son passage à Strasbourg en octobre 2008, Amiri Baraka s’est vu proposer une soirée Carte blanche au cinéma Star. Au programme : Black Panthers d’Agnès Varda et La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo. La rencontre organisée a été pour lui une nouvelle occasion d’évoquer les années de lutte et de faire passer son message de liberté. Il a ainsi évoqué les années au cours desquelles les slogans « Black Power », « Black is Beautiful » ou « Power to the People » trouvèrent un écho sans précédent dans la société américaine.
Il a également pointé, non sans amertume, les divisions et querelles qui ont longtemps entamé la cohésion du mouvement de libération noire. Mais, puisque selon lui, l’on « ne peut empêcher les gens de se battre », il reste convaincu que la révolution est en marche, et que, si elle requiert une détermination sans faille et un sens du sacrifice absolu, elle peut se faire pas à pas. Nul doute, en effet, que sans des décennies de résistance, Barack Obama, dont il arbore fièrement les couleurs, ne serait pas en position aussi favorable aujourd’hui.
Et si, au premier abord, cet homme semble subir le poids des années, il recèle en lui des trésors d’énergie et de détermination, ainsi qu’une force à la fois hors du commun et envoûtante. Sur scène, sa participation au projet jazz-soul du musicien free William Parker intitulé The Inside Song of Curtis Mayfield en atteste de façon fulgurante. Comme Baraka le dit lui-même en citant Public Enemy, « don’t believe the hype », les apparences et les discours peuvent être trompeurs. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’instar des titres interprétés ici un seul mot d’ordre, « people get ready ».

Q.Z plan neuf
  

Site : www.amiribaraka.com





Marcel Hanoun




Né le 26 octobre 1929 à Tunis, décédé le 22 septembre 2012 à Créteil, Marcel Hanoun traverse une première fois, enfant, la Méditerranée. Il revient définitivement en France, à Paris, après la Libération. Passionné d’aviation il est auditeur libre en technique aéronautique et en mécanique générale au CNAM. Dans les années 50 il suit des cours d’art dramatique et l’enseignement d’André Vigneau au C.E.R.T. (Centre d’Etudes de Radio Télévision). Il fait mille métiers, il est photographe et journaliste tout en pratiquant le cinéma d’amateur. Il désapprend les règles de la technique et affirme son propre esthétisme du cinéma. Ses films – notamment UNE SIMPLE HISTOIRE (Grand Prix Eurovision à Cannes/1959) – ont depuis longtemps contourné l’exception culturelle, circulant dans les Universités américaines et les Cinémathèques. Cependant, ici, en France, il se heurte à l’exclusion culturelle, le refoulé, la face cachée, honteuse, inavouable, des faux tenants de l’exception culturelle.

En 1969 M.H. invente le titre et crée la revue Cinéthique dont il dirige les trois premiers numéros.  Parti tourner et monter L’HIVER en Belgique, en son absence, il n’est plus responsable de la déviance et de la tournure politique donnée à la revue.

Entre 1970 et 1980 il fait des tournées d’Universités aux Etats-Unis et au Canada (présentations de son travail, ateliers)

Marcel Hanoun a posé un principe de base : le cinéaste est un créateur d’écriture non un « auxiliaire de production ». Le 6 mars 1973, en riposte au 3ème refus de la commission d’avance sur recettes du C.N.C. d’examiner le scénario de LA VERITE SUR L’IMAGINAIRE PASSION D’UN INCONNU, il fait une grève de la faim. Son geste connaît un certain retentissement, la commission procède à la lecture du projet. M.H. accepte de surseoir à sa grève. Par 6 voix contre 6 la commission refuse l’avance...
…Il fera néanmoins son film…

Après 1976, il est, quelques années, chargé de cours à l’Université PARIS I

1994 Rétrospective au Musée du Jeu de Paume.

1997 M.H. anime une projection/débat à la Maison des Ecrivains : Ecrire/Filmer… hommage à son œuvre en Vidéo, au Festival de Locarno.

… depuis, espaçant de plus en plus ses "productions", Marcel Hanoun travaille essentiellement en vidéo légère. Il cultive son jardin cinématographique en théorisant, en écrivant.
«Auteur de nombreuses expériences cinématographiques, il a subverti les règles du récit classique» et sa filmographie «constitue la preuve qu’une oeuvre magistrale peut advenir entièrement hors des circuits commerciaux»




Cinéaste maudit par excellence, il est marginalisé à la fois par l’industrie et par la critique. Marcel Martin/Dictionnaire Larousse du Cinéma
une réflexion acharnée, rigoureuse, minutieuse, obsédante, obsédée sur le cinéma lui-même. Sur le cinéma s’interrogeant sur l’aventure qu’il est lui-même, enchaînant images et sons pour la fascinationJean-Louis Bory/Questions au cinéma/ Ed. Stock
Soutenu par Jonas Mekas, qui le considère comme le cinéaste français  le plus important depuis Robert Bresson, le milieu expérimental en fait, dans les années 1970, un de ses mentors. …   …Hanoun bâtit une esthétique faite de ruptures, de collages, et qui nécessite de la part du spectateur un profond investissement personnel.  Raphaël Bassan/ Encyclo –pédia Universalis 2005
La passion, le regard, l’authenticité d’Hanoun font que son œuvre défie réellement le temps. Christiane Kolla/cinéaste
Presque chacun de ses films est un métafilm. Comme Flaubert, invisible au dessus de sa création  et en même temps dévoilant tout dans sa correspondance. Toujours l’oxymore. Dominique Noguez

Marcel Hanoun I from Revista Lumière on Vimeo.















Une simple histoire France/1959/68’/35mm
Avec Micheline Bezançon, Gilette Barbier.
Une femme vient à Paris avec sa fille pour chercher du travail, mais elle n’y rencontre
que la misère.





 L’Authentique Procès de Carl-Emmanuel Jung France/1966/66’/35mm
Avec Maurice Poullenot, Jane Le Gal.
Vingt ans plus tard, reconstitution du jugement d’un homme ordinaire qui se révèle
être un criminel de guerre, Carl-Emmanuel Jung.





La Nuit claire France/1979/90’/35mm
Avec Lorraine Bonnemaison, Gérard Rouzier.
En filmant la répétition d’un opéra, Marcel Hanoun fait clignoter le mythe d’Orphée avec
l’aventure contemporaine de Julien, lui aussi séparé de sa bien-aimée.



Site internet de Marcel Hanoun : www.marcel-hanoun.com


Qui êtes-vous Marcel Hanoun ? Conférence de Stéphanie Serre : www.canal-u.tv/video

Lenore Kandel



Lenore Kandel a été une figure incontournable de la contre-culture californienne des années 60. Son chant du cygne a été la publication puis l'interdiction de son recueil de poèmes "The Love Book" en 1966.
Ses poèmes sont l'expression la plus intransigeante et la plus lyrique de l'érotisme et du désir féminins.

Lenore Kandel est née en 1932 à New York City, de parents russe et mongol.
Elle arrive à San Francisco en 1960, où elle rencontre les poètes de la beat generation, notamment Gary Snyder et Jack Kerouac. Dans le roman d'inspiration autobiographique "Big Sur" (1962) de Kerouac, Lenore Kandel apparait à travers le personnage de Romana Schwarz.

En 1966-1967, elle est partie prenante de la "révolution psychédélique" dans le quartier de Haight Ashbury de San Francisco.  
Elle publie son recueil "The love book", qui comprend 4 poèmes remarquables ("God/Love poem", et un long poème en 3 "phases", "To fuck with love"). 


A peine publié, une plainte est déposée contre le recueil et ceux qui le diffusent pour "pornographie et obscénité", et il est saisi par la police dans les librairies où il est en vente, principalement les librairies hip telles que "City Lights Bookstore" et "The Psychedelic Book Shop".
Le procès en 1967 se soldera par une interdiction de la vente du recueil (censure levée en 1971), mais lui en aura assuré une telle publicité que plus de 20.000 exemplaires seront malgré tout vendus. En remerciement ironique, Lenore Kandel reversera 1% de ses gains à une association pour assurer la retraite des policiers.
Son recueil interdit à la vente, Lenore Kandel lit ses poèmes "licencieux" en public. En janvier 1967, elle lit ses poèmes sur scène à l'occasion du festival géant "The Human Be-In".

Elle prend une part prépondérante dans les activités des Diggers. En février 1967, elle participe à l'immense happening "The Invisible Circus" organisé dans une église : punch au LSD, musique psychédélique, diverses animations proposées par les Diggers et l'ALF (Front de Libération des Artistes), avec Richard Brautigan comme "reporter officiel" qui tire sur une ronéo des poèmes au kilomètre qui sont immédiatement distribués dans la ville comme des dépèches d'agence de presse. 
 Tandis que Lenore Kandel lit ses poèmes interdits, des couples voire plus baisent dans tous les recoins de l'église. Prévu durer 72 heures, les flics virent tout le monde après 8 !

Elle publie un nouveau recueil de poèmes plus conséquent en 1967, "Word alchemy". 


En 1968, la bande des Diggers abandonne le terrain de Haight Ashbury aux capitalistes hippies qui ont fondu sur San Francisco depuis le Summer of Love de l'été 1967. Chacun continue sa route là où elle le mène. Lenore Kandel épouse Billy Fritsch, et tous deux rejoignent les Hell's Angels. Ils vécurent heureux et eurent un grave accident de moto ensemble en 1970.
Grièvement bléssée à la colonne vertébrale, Lenore Kandel souffrira tout le reste de son existence de violentes douleurs au dos, et ne quittera plus guère son petit appartement de San Francisco, où elle continuera d'écrire (sans jamais plus être publiée) et de recevoir ses nombreux amis qu'elle régalera de sa sérénité et de sa fantaisie inentamées malgré les accidents de la vie.

Lenore Kandel est morte dimanche 18 octobre 2009 à San Francisco, à 77 ans, d'un cancer au poumon.
L'Unique, de peau et de chair


TO FUCK WITH LOVE PHASE III
BAISER AVEC AMOUR PHASE III
baiser avec amour
aimer avec toute la chaleur et la sauvagerie de la baise
la fièvre de ta bouche dévorant tous mes secrets et mes alibis
me laissant pure brûlée dans l'oubli
la douceur INSUPPORTABLE
        bouche touchant à peine bouche
téton à téton nous nous sommes touchés
et fumes pétrifiés par un flux d'énergie
au-delà de tout ce que j'ai jamais connu
nous nous sommes TOUCHES !
et deux jours plus tard
ma main étreignant ta bite dégoulinante de sperme
ENCORE !
l'énergie indescriptible presque insupportable
la barrière du noumène-phénomène
        transcendé
le cercle momentanément complet parfait
allongés ensemble, nos corps se glissant dans l'amour
qui ne s'est jamais échappé
j'embrasse ton épaule et elle empeste le désir
le désir des anges érotiques baisant les étoiles
et criant leur joie insatiable à travers le paradis                     
le désir des comètes entrant en collision dans l'hystérie céleste
le désir des déités hermaphrodites se faisant
des choses inconcevables l'une à l'autre et
HURLANT DE PLAISIR à travers l'univers entier et au-delà
et nous sommes allongés ensemble, nos corps humides et brulants, et
nous PLEURONS    nous PLEURONS    nous PLEURONS les larmes incroyables
que les saints et les hommes sacrés ont versé en présence
de leurs propres dieux incandescents
j'ai murmuré l'amour dans chaque orifice de ton corps
comme tu l'as fait
en moi
mon corps entier se transforme en une conbouche
mes orteils mes mains mon ventre ma poitrine mon épaule mes yeux
tu me baises continuellement avec ta langue tu regardes
avec tes mots avec ta présence
nous nous transformons
nous sommes aussi doux et chauds et tremblants
qu'un papillon doré nouveau venu
l'énergie indescriptible
presque insupportable
 la nuit 
quelquefois 
je vois nos corps luire

Herbert Huncke



L’écriture sous stupéfiants reste une énigme et tient toujours du miracle…

En effet, comment composer avec l’obsession toxique qui réduit une vie à la quête incessante du produit et la capacité à créer et à rendre compte du bien réel comme dans le cas d’Herbert Huncke ?
Coupable de Tout est une compilation inédite, à ce jour en français, et précieuse des écrits d’un ange noir de la Beat Génération, cette comète folle qui lança définitivement la contre culture.
Herbert Huncke apparaît, en effet, sous divers noms dans quelques opus de Kerouac, de Ginsberg et de Burroughs, non en tant qu’écrivain – qu’il ne fut jamais complètement même s’il en avait la carrure – mais bien comme toxico, dealer et aigrefin de Times Square .
Pourtant, Huncke avant de connaître une vie de "clochard céleste" s’intéressera authentiquement à la poésie et à l’art en général.
Conteur exceptionnel, âme sensible, cœur généreux mais faible, Herbert Huncke, à la différence de ses copains écrivains que la gloire installa, en dépit de leurs propres écarts, dut se débrouiller tout seul, dans la rue et celle-ci ne fait pas de cadeaux, ne s’encombre pas de politesses et de paroles données.
Manger ou être mangé, telle est sa loi.

Herbert Huncke connaîtra la drogue dès les années 30, cocaïne et le crack. Herbe, amphétamines et héroïne sont ses compagnes inséparables avec leur cortège de "désagréments" : manque, errance, sexualité trouble et... prison.
Encore une chose qui l’éloigne de ses potes bobos et le rapproche un peu plus d’un Neal Cassidy (Dean Moriarty dans Sur la Route) par exemple (l’un et l’autre fréquentèrent Jerry Garcia, guitariste et fondateur du Grateful Dead, qui assura le gîte de Huncke au Chelsea Hotel sur la fin de sa vie).

Les textes proposés ici sont constitués principalement d'une galerie de portraits de figures de la faune newyorkaise d’après guerre, de récits et de notations du quotidien d’un junky qui n’oublie pas de tout regarder avant de sombrer dans les délices artificiels des rêves narcotiques.
Mis bout à bout, ces textes constituent une sorte d’opéra trash qui annonce l’œuvre d’un Lou Reed.
On y trouve aussi, en plus des commentaires intimes, de pertinentes remarques sur les auteurs beat. Retenons celle-ci concernant Burroughs qui témoigne d’une clairvoyance littéraire rare : " En tant qu’écrivain, c’est un maître, et il a assurément mis à nu les conventions sociales actuelles. Mais il y a cette froideur – il a quelque peu oublié l’élément humain, il me semble."
Pour conclure, nous dirons que ce document contribue, après le passionnant Sur Ma Route de Carolyn Cassidy (femme de Neal), à apporter un éclairage unique sur une période qui vit définitivement changer l’Amérique et la littérature.
On se souviendra que ce décryptage velvetien avant la lettre vint d’un homme mort dans le warholien Chelsea Hotel en 1996 et qui écrivait de lui-même: "On dirait que je distille un poison"


Le Seuil. 2009

Extraits :
   
   -Aujourd'hui un coucher de soleil a le pouvoir de me remplir d'une conscience de la beauté qu'aucune autre chose ne saurait susciter en moi.
   
   -Un certain désespoir émanait des clients de ces beuveries répétitives, comme s'ils cherchaient délibérément l'autodestruction. Extérieurement ils appartenaient à la jeunesse dorée, mais au fond ils débordaient de colère et de haine.
   
   -Je suis là, mais en fait, c'est l'appart de Florence. Il est lumineux, propre, frais et blanc. Il dégage une sorte d'éclat, mais j'ai peur que ma simple présence suffise à l'enténébrer.
   
   -Jack était le type même du jeune Américain propre sur lui. Pour moi, il avait l'air d'une pub pour les chemises Arrow : leur campagne représentait toujours des jeunes hommes d'affaires américains modernes, avec une coupe de cheveux impeccables et l’œil pétillant. Le portrait craché de Jack.
   
   -La clique qui se réunissait plus ou moins là consistait en qu'une poignée d'individus à la Oscar Wilde, très décadents et très fins, avec un mordant terrible- presque venimeux dans leurs sarcasmes.
   
   -Pourtant, Bill m'agaçait parfois. Tout d'abord, il a donné de moi une description peu flatteuse dans "Junky".
   
   -Les crimes devenaient plus violents. Les guerres des gangs organisés devenaient monnaie courante.
   
   -Comme je pense à la visite d'Irwyne et à nos longues années d'amitié, un afflux de chaleur pénètre mon esprit et je souris-ferme les yeux.
   

   Titre original : The Herbert Huncke Reader (1997)

silenzio






Edgar Allen Poe - La Chute de la Maison Usher -

 La Chute de la Maison Usher

 
La chute de la maison Usher - Epstein / Coil par ESTETTE


I

Dans la plus verte de nos vallées,
Par les bons anges habitée,
Autrefois un beau et majestueux palais,
— Un rayonnant palais, — dressait son front.
C’était dans le domaine du monarque Pensée,
C’était là qu’il s’élevait :
Jamais séraphin ne déploya son aile
Sur un édifice à moitié aussi beau.

II

Des bannières blondes. superbes, dorées,
A son dôme flottaient et ondulaient ;
(C’était, — tout cela, c’était dans le vieux,
Dans le très vieux temps,)
Et, à chaque douce brise qui se jouait
Dans ces suaves journées,
Le long des remparts chevelus et pâles,
S’échappait un parfum ailé.

III

Les voyageurs, dans cette heureuse vallée,
A travers deux fenêtres lumineuses, voyaient
Des esprits qui se mouvaient harmonieusement
Au commandement d’un luth bien accordé.
Tout autour d’un trône, où, siégeant
— Un vrai Porphyrogénète, celui-là ! —
Dans un apparat digne de sa gloire,
Apparaissait le maître du royaume.

IV

Et tout étincelante de nacre et de rubis
Était la porte du beau palais,
Par laquelle coulait à flots, à flots, à flots,
Et pétillait incessamment
Une troupe d’Echos dont l’agréable fonction
Était simplement de chanter,
Avec des accents d’une exquise beauté,
L’esprit et la sagesse de leur roi.

V

Mais des êtres de malheur, en robes de deuil,
Ont assailli la haute autorité du monarque.
— Ah ! pleurons ! Car jamais l’aube d’un lendemain
Ne brillera sur lui, le désolé ! —
Et tout autour de sa demeure, la gloire
Qui s’empourprait et florissait
N’est plus qu’une histoire, souvenir ténébreux
Des vieux âges défunts.

VI

Et maintenant les voyageurs, dans cette vallée,
A travers les fenêtres rougeâtres, voient
De vastes formes qui se meuvent fantastiquement Aux sons d’une musique discordante ;
Pendant que, comme une rivière rapide et lugubre,
A travers la porte pâle,
Une hideuse multitude se rue éternellement ;
Qui va éclatant de rire, — ne pouvant plus sourire.

Mark Z. Danielewski - La maison des feuilles -

'ISAM' - Full album with track-by-track commentary from Amon Tobin by Amon Tobin

Danielewski passe son enfance entre l’Afrique, l’Inde, l’Espagne, et la Suisse. Après des études secondaires dans un lycée de l’Utah, il étudie la littérature anglaise à l’université Yale puis le latin à Berkeley. Enfin, après avoir vécu de petits boulots et voyagé en Europe, il entre dans une école de cinéma de Los Angeles.

Entre 1993 et 1997, il écrit House of Leaves, un récit autour d'une maison plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur. En 1999, Pantheon Books accepte de le publier et il compte parmi les finalistes du prix Bram Stoker dans la catégorie « Premier Roman ». L'ouvrage paraît en France chez Denoël sous le titre La Maison des feuilles en 2002 (trad. Christophe Claro).

En 2000, Danielewski fait une tournée promotionnelle pour son livre et sort The Whalestoe Letters, complément à La Maison des feuilles.

Il remporte le Young Lions Fiction Award à New York en 2001.

La Maison des feuilles est un livre étrange et complexe, doté d’une mise en page hallucinée, de textes disloqués. Danielewski y mélange plusieurs narrations qui s’entremêlent jusqu’à brouiller le lecteur en combinant les styles et les genres - roman mais aussi extrait de magazine, interview, citation authentique ou inventée, critique photographique, etc.



« La maison, les couloirs et les pièces deviennent toutes le moi – un moi qui s’effondre, s’agrandit, bascule, se ferme, mais toujours en rapport parfait avec l’état mental de l’individu. »

En 2007, paraît en France O Révolutions (en anglais Only Revolutions), récit dense et complexe dont la lecture est rendue difficile par la juxtaposition du récit des 2 héros (le livre se lit à l'endroit et/ou à l'envers) et par la présence de notes historiques en marge. Cette œuvre a été largement saluée par la critique pour son audace formelle mais aussi pour l'extraordinaire poésie de la langue qui témoigne à merveille d'une Amérique dont la raison d'être est le renouvellement perpétuel, la constante fuite en avant.


« Faible est le réconfort que tirent ceux qui se désolent quand les pensées continuent de dériver alors que les murs continuent de bouger et que ce vaste monde bleu qui est le nôtre ressemble à une maison de feuilles quelques instants avant le vent. » 

Paroles de l'auteur, Mark Z. Danielewski :
« La maison des feuilles» était un livre entièrement tourné sur lui-même, un livre fait d’intériorité. Un livre consumé par l’idée de parenté, et profondément introspectif. Je savais, en écrivant les dernières pages, que j’allais devoir sortir de cette maison. J’avais besoin d’extériorité, de me consacrer au dehors des choses. J’avais d’ailleurs observé que beaucoup de lecteurs, qui avaient aimé «la Maison des feuilles», vivaient dans le roman comme dans une maison dont ils ne pouvaient pas sortir. Plutôt que de s’intéresser au monde extérieur, à la vie tout simplement, ils se passionnaient pour mes héros, Pélafina ou Zampano. J’en étais très heureux bien sûr. Mais j’avais envie de leur dire: «Maintenant, lâchez ce livre, et allez voir ce qui se passe dans la réalité ».

Essaie donc la marche arrière

Photobucket

Ell' tourne et se nomme la terre
Ell' tourne et se fout d'nos misères
Ell' tourne un' java chimérique
Ell' tourne et c'est drôl' cette musique
Tu peux tourner moi j'm'en balance
C'est l'hirondell' qui fait l'printemps
En Amérique ou bien en France
L'amour ça peut s'faire en tournant
Le Bon Dieu s'marr' dans son coin
C'est c'qu'on nomm' le destin
Pourtant les fleurs sont si jolies
Qu'on en f'rait des folies
Tant que peut tourner la vie

Ell' tourne et se nomme la terre
Ell' tourne avec ses millionaires
Ell' tourne et ses yeux sont les nôtres
Ell' tourne et ses larmes sont les vôtres
Tu peux tourner moi j'm'en balance
Les amants se font au printemps
D'un brin d'lilas d'une romance
L'bonheur ça peut s'faire en tournant
Y a quelquefois l'désespoir
Qu'on rencontr' dans un squar'
Pourtant les filles sont si jolies
Qu'les gars font des folies
Tant que peut tourner la vie


Ell' tourne et se nomme la terre
Ell' tourne et se fout des frontières
Ell' tourne et l'soleil se fout d'elle
Ell' tourne pauvr' toupie sans ficelle
Tu peux tourner moi j'm'en balance
Tu ramèn'ras toujours l'printemps
Tu peux tourner car j'ai ma chance
Vas-y la terre moi j'ai tout l'temps
Y a quelquefois des hasards
Qu'ont l'air de nous avoir
Pourtant tu fais bien des manières
Et même tu exagères
Essaie donc la marche arrière

Léo Ferré - Elle Tourne ...

Mickael REEDY / Arthur RIMBAUD

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël !

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles
Se heurtent longuement dans un hideux amour.

Hurrah ! les gais danseurs, qui n'avez plus de panse !
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !
Ô durs talons, jamais on n'use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau ;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.
Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
A l'horizon, le ciel est d'un rouge d'enfer...

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d'amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n'est pas un moustier ici, les trépassés !
Oh ! voilà qu'au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l'élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Bal des pendus - Arthur RIMBAUD

Site de Mickael REEDY : http://mikereedy.com/ 







Où est le poisson ? Je ne vois que la queue qui remue.

Création de © Sophie B

 Désormais,  le son humain n'arriva à mon oreille qu'avec le sentiment de la douleur qu'engendre la pitié pour une grande injustice. Quand quelqu'un me parlait, je me rappelais ce que j'avais vu, un jour, au-dessus des sphères visibles, et la traduction de mes sentiments étouffés en un hurlement impétueux, dont le timbre était identique à celui de mes semblables !   

Création de © Sophie B

 Nous longeâmes le bas des fortifications externes, comme des chacals nocturnes; nous évitâmes la rencontre des sentinelles aux aguets; et nous parvînmes à nous éloigner, par la porte opposé, de cette réunion solennelle d'animaux raisonnables, civilisés comme les castors.

Création de © Sophie B

J'ai vu les hommes, à la tête laide et aux yeux terribles enfoncés dans l'orbite obscure, surpasser la dureté du roc, la rigidité de l'acier fondu, la cruauté du requin, l'insolence de la jeunesse, les trahisons de l'hypocrite, ... , et les êtres les plus cachés au dehors, les plus froids des mondes et du ciel; lasser les moralistes à découvrir leur coeur, et faire retomber sur eux la colère implacable d'en haut.

Comte de LAUTRÉAMONT  (Les chants de Maldoror)
Photos©sophie.b

L'HÉAUTONTIMOROUMÉNOS

Escalier C 93 Création de © Sophie B
1910 Création de © Sophie B
Création de © Sophie B

Création de © Sophie B
Ce génie enfermé dans un taudis malsain, ces grimaces, ces cris, ces spectres dont l'essaim tourbillonne, ameuté derrière son oreille, ce rêveur que l'horreur de son logis réveille, voilà bien ton emblème, Ame aux songes obscurs, que le Réel étouffe entre ses quatre murs !
Baudelaire ( Spleen et idéal des Fleurs du mal )
Création de © Sophie B
Photos©sophie.b

Sound ??


The first installment of a short film featuring Rahsaan Roland Kirk, John Cage and David Tudor among others. Directed by Dick Fontaine.


The second installment.


John Cage & Rahsaan Roland Kirk in a short film "Sound" (1966-67)

Sound ?? Dick Fontaine a une idée : confronter les réflexions musicales de John Cage aux élucubrations funky free bruitistes du saxophoniste (mais pas seulement) Roland Kirk. En un peu moins d’une demi-heure, nous suivons Cage en balade : au jardin d’enfants, en taxi ou dans un entrepôt, il fait la lecture de Sound ??, sorte de poème théorique et interrogateur : « Is that a sound ? If it is, is music music ? » ; “Why is it so difficult for so many people to listen ?”, etc.

Les images d’un concert de Roland Kirk au Ronnie Scott club de Londres (1967) viennent à intervalles réguliers interrompre la lecture. Grinçant, ironique et parfois arrogant, Kirk enfonce encore le clou des questions délicates à grand coup d’ Here comes the whistleman, Rip, rig and panic, ou A Nightingale Sang in Berkeley Square. Un simple portrait en flou, dans l’intérêt du film, qui, comme celui consacré au trio d'Ornette Coleman, traite de façon originale le phénomène de l’incompréhension en musique. Et de la seule réponse à lui aller : le charisme du musicien.

Scott G. Brooks/Gainsbourg

 Scott G. Brooks : http://www.scottgbrooks.com/



 Au cinquante-six, sept, huit, peu importe
De la rue X, si vous frappez à la porte
D'abord un coup, puis trois autres, on vous laisse entrer
Seul et parfois même accompagné.

Une servante, sans vous dire un mot, vous précède
Des escaliers, des couloirs sans fin se succèdent
Décorés de bronzes baroques, d'anges dorés,
D'aphrodites et de Salomés.

S'il est libre, dites que vous voulez le quarante-quatre
C'est la chambre qu'ils appellent ici de Cléopâtre
Dont les colonnes du lit de style rococo
Sont des nègres portant des flambeaux.

Entre ces esclaves nus taillés dans l'ébène
Qui seront les témoins muets de cette scène
Tandis que là-haut un miroir nous réfléchit,
Lentement j'enlace Melody

Hôtel particulier de Serge Gainsbourg 



Métamorphose


Dès les premiers rayons du jour,
Mes mains sont gantées de velours.
Mes yeux se teintent de pastel,
Mes mots retrouvent un goût de miel.
Mais quand descend le crépuscule,
Milles démons me manipulent.
J'ai des envies de cruautés,
Un besoin de férocité.

Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit.
Génie du mal, ange infernal,
Viens sur ma couche, viens dans ma bouche.
Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit,
Je suis sauvage, mes yeux dégagent,
Un désir fou, de mordre au cou.

L'aurore me couvre de douceur,
Fait de nouveau battre mon cœur.
Je vois partout de la dentelle,
Un paradis, un arc-en-ciel.
La nuit revient me posséder, l'esprit malin me fait craquer.
Une douleur envahit ma chair, la transformation va se faire.

Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit.
Génie du mal, ange infernal,
Viens sur ma couche, viens dans ma bouche.
Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit,
Je suis sauvage, mes yeux dégagent,
Un désir fou de mordre au cou.

Le soleil vient de se lever, sa lumière va m'exorciser,
Ce soir, tout va recommencer,
Sur les ténèbres, je vais régner.

Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit.
Génie du mal, ange infernal,
Viens sur ma couche, viens dans ma bouche.
Métamorphose, métamorphose,
Il est minuit, mon corps frémit,
Je suis sauvage, mes yeux dégagent,
Un désir fou de mordre au cou.

Métamorphose, métamorphose...

Artiste: Alain Bashung
Titre: Métamorphose