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Serge Venturini



Serge Venturini est un poète aux aguets. Aux aguets du feu qui couve au loin, aux aguets du feu qui  brûle en lui.
« Nuage rouge », comme on le surnomme, Serge Venturini n’est pas un brasier de colère, mais un éveilleur de lucide conscience. Ses traductions d‘Alexandre Blok, d’Anna Akhmatova, de Sayat-Nova et d’autres, ses hommages à Missak Manouchian, renseignent sur son empathie pour « la poétique de résistance », vers ceux qui se tiennent debout à l’orée des mots.

Mots d’éclairs destinés à consumer tous les hommes de paille squattant l’humanité.

Serge Venturini est un poète français, né le 12 octobre 1955 à Paris. C'est un poète du devenir humain. Il écrit dans le devenir de la poésie. Sa poétique est traversée par de nombreuses métamorphoses : Poétique du devenir humain (2000), Poétique du posthumain (2007), Poétique du transhumain (2009), au Journal du transvisible (2010), de la Poétique de l'inaccompli (2012) à la Poétique de l'approche de l'inconnaissable, (2010-2013). Sa poésie philosophique est en lutte contre les conformismes, elle cherche l'éclatement des genres et n'éclaire que par renversements. Serge Venturini dirige depuis 2009, la collection « Lettres arméniennes » aux Éditions L'Harmattan. Sa poésie engagée est celle d'un « itinérant avec la brûlante et dense vérité de sa parole en actes. »

Il attend tapi, à l'affût, dans le transvisible qu’il définit ainsi :
Entre le visible et l'invisible, le réel et le rêve, le transvisible se situe à l'intersection de ces mondes, des mondes, où il joue l'interface. Insistons sur leur perméabilité, la porosité de ces mondes, car certains esprits trop cartésiens sont étrangers à ce dialogue. Les poètes mythographes, vecteurs de transvisibilité, passeurs de lumière, porteurs du feu de la parole, sont des êtres à mi-chemin entre ces deux mondes. Dans le passage du visible à l'invisible, du monde des vivants au monde des morts, le transvisible transfigure le temps.

Gil Pressnitzer

TIGRE  DE  L’ŒIL

                  Et que derrière un voile, invisible et présente,
                 J’étais de ce grand corps, l’âme toute-puissante.
Jean Racine, « Britannicus », I, 1, Agrippine, 1669

Au-dessus des eaux mugissantes et glacées du fleuve des morts, il existe un pont entre le visible et l’invisible ; à peine un léger pont, étroit et tranchant comme un yatagan, tout au plus une fragile passerelle rouge et noire que l’on franchit, le temps d’une vision. Cette vision partant du visible s’ouvre vers l’invisible.

Or, nous cheminons hennissant tel Pégase vers le transvisible. Les êtres visibles me sont souvent invisibles, alors que je vois, dans mes absences au monde réel, — les êtres invisibles.

Lorsque mon regard transperce l’invisible, ils me sont manifestes dans la transparence, ils viennent sourdre du visible pour apparaître, tout droit venus de l’invisible couverts de cette rosée comme surgis d’une brume épaisse, connus et inconnus.

Le beau, et cela n’est guère neuf, est l’expression de l’invisible, même si le mystère de ce monde demeure dans le visible, même si les temps où nous vivons refusent de regarder en face l’invisible, car ils refusent de sortir de la matière pour voir au-delà du corps. Chez eux, — l’œil n’écoute plus rien, n’entend plus ni langues rares, ni couleurs stridentes, ni parfums empourprés.
Quand la porte du visible est enfin ouverte, alors dans toute sa splendeur les formes éclatantes émergent de l’invisible. Les corps animés deviennent musique, théâtre d’ombres portées au plus noir, — têtes renversées.


Cependant nous ne sommes plus dans le monde des fantômes, dans le monde des fausses apparences, nous sommes dans le monde de l’être, — du devenir même aux formes changeantes et scintillantes, où nous apercevons l’espace-temps d’un instant, le déploiement de ces beautés neigeuses d’éclat qui toujours nous subjuguent. — Ô Fravarti !

Elles vont ces corps-dansant, ces corps fluides, ces corps liquides se développant aux rayons du soleil naissant, corps brûlants entrevus, à la flamme d’une chandelle, au clair-obscur du désir, comme au plus profond de la nuit miroitante.

Dans un mythe qui n’a pas encore dit son nom, étoile non-visible à l’œil nu, — ma présence dévoilée se révèle dès lors dans l’invisible. — Non ! Je ne suis pas hors du grand corps, 
— mais en plein cœur de la vision.

Paris, le 22 décembre 2007



Grand soir et petit matin





Documentaire de William Klein
(France, 1978, 1h30)


Mai 68 à Paris, au Quartier Latin, comme si vous l’aviez vécu. Réalisé par le peintre, photographe (partisan de l’objectif Elmarit 28mm sur un Leica M3) et réalisateur de cinéma aux plans très graphiques (Qui êtes-vous Polly Magoo ?, Mister Freedom, Le couple témoin), William Klein. Grands soirs et petits matins est considéré par son réalisateur comme un film qui aurait dû exister, tourné en 16mm par lui-même avec pour seul camarade un preneur de son.




Après les nuits d’émeutes au Quartier Latin, les barricades, les discussions entre les citoyens sur la révolution redémarrent, la parole se libère : « Il y a des organisations responsables qui, tout à coup, se sentent emprisonnées, tu comprends », « Il faut d’abord tout détruire, faire table rase », « Nous changerons lorsque nous n’aurons plus les vieilles badernes à la tête des syndicats, punaise, ceux-là tiennent à leur place ». Dans les facs, à la Sorbonne : « Il faut y aller franco, ils sont prêts à céder.-  La bourgeoisie ne cédera jamais d’un iota – Etes-vous pour la révolution ? - Camarades, il ne faut pas faire la révolution trop tôt, regardez les pays de l’Est ! »

À Censier, lors du comité de liaison écrivains-étudiants qui invente des slogans (« La grève désintoxique ») on découvre Marguerite Duras passionnée.



Infatigable, William Klein, caméra à l’épaule, est toujours là. À la crèche sauvage de la Sorbonne, aux comités d’action à l’Odéon, aux comités Gavroche-Sorbonne, près du corps médical organisé pendant les manifs. Mais aussi le 24 mai, jour et nuit, nouvelles scènes d’émeutes à Paris. Dispersion à la Place Saint-Michel : « C’est une provocation n’y cédez pas », prévient le service d’ordre étudiant qui crée les diversions. Le 29 mai, le général de Gaule quitte l’Elysée et disparaît à Baden-Baden pour consulter le général Massu (et non pas Cohn-Bendit). Les 4-5 juin reprise du travail. Voilà, c’est fini. Depuis, le bienheureux blabla prestigitatif des ultra-libéraux est devenu tellement bling bling,  qu’on en arrive à se souvenir de ceci : « Qu’est-ce que cent ans, qu’est-ce que mille ans, puisqu’un seul instant les efface ». En effet, les incantations de la pensée dominante se heurtent au réel. 




Tourné en 1968, mais achevé dix ans plus tard, « Grands soirs, petits matins » a été découvert lorsque la courte euphorie du mois de mai s’était depuis longtemps estompée, et se regarde davantage à la lumière de son importance cinématographique. Tourné par un photographe à l’aide de ces caméras sonores particulièrement souples, en circulation depuis quelques années seulement à l’époque, le film restitue cette impression d’agilité qui semblait donner des ailes aux cinéastes et les enjoignait à redéfinir leur travail en leur permettant de s’immerger dans la rue, et participer de manière concrète à cet élan collectif, du don de matériel à un point de vue modifié sur le rôle même du cinéma.


Visionner le film ( sous titrage en espagnole) :

 

Pour vivre heureux, vivons cachés !!

                                                                             Création de © Myriam Franque

A l’ère des réseaux sociaux, des blogs, des listes de diffusions, des commentaires qu’on peut faire sur les articles diffusés sur des journaux en ligne, à l’ère de l’internet, il devient carrément impossible de vivre caché sur cette planète. OK, c’est fun, quand le but est de fraterniser, mais il y a pas mal de gens mal intentionnés qui sont à l’affut de ce genre d’information.

                                                                             Création de © Myriam Franque

Pour vivre heureux, vivons cachés ? Cette question, injonction, interrogeons nous sur une thèse épicurienne qui affirmait que pour être heureux, mieux vaut vivre caché! En effet le bonheur ne se vivrait pas en public,le bonheur serait de l'ordre de la sphère privée. Cela nécessite-t-il par conséquent que vivre en société, en commun est nécessairement source de maux? L'enfer comme le dit Sartre est-ce les autres? Ou alors ne s'accomplit-on pas nécessairement dans la société, dans un vivre ensemble – public?

                                                                             Création de © Myriam Franque

L'un des jeux préférés des enfants est de jouer à « cache-cache ». En grandissant, ce qui n'était qu'un jeu devient parfois un choix de vie et certains, devenant adultes, suivent l'adage épicurien « pour vivre heureux, vivons cachés ». En effet, si, petits, ils avaient besoin d'autrui pour jouer à se cacher, c'est pour se séparer d'autrui qu'ils se cachent désormais, désirant le bonheur. Autrement dit, selon l'adage, le bonheur s'éprouve loin des autres, qui sont seulement des obstacles à celui-ci. A moins que l'on joue, on se cache lorsqu'on ne veut pas être vu par autrui, qui lui nous cherche pour nous causer du tord. « Pour vivre heureux, vivons cachés » présuppose donc qu'autrui me veut du mal, ou du moins peut m'en faire, et que mon bonheur ne peut donc être cherché que dans la solitude. Mais quel est ce bonheur que j'atteinds dans la solitude ? En effet, le bonheur a une définition souple : pour certains c'est un état permanent qui peut être atteint par exemple grâce à la sagesse, pour d'autres c'est une situation idyllique de consécration (du type : être marié, avoir des enfants et réussir professionnellement), pour d'autres encore le bonheur n'est pas un état, il existe seulement une succession d'instants de joie et de souffrance.
Vivre dans le bonheur, est-ce donc se réaliser avec les autres, au sein de la société, ou au contraire est-ce s'isoler pour atteindre un état heureux permanent dans la solitude du moi ? Et si vivre dans le bonheur, c'était avant tout vivre, c'est-à-dire se jeter dans l'existence, se confronter à autrui, sentir en soi s'imprimer joie et souffrance ?
                                                                          Création de © Myriam Franque

Tous ces regards qui me mangent … Ha, vous n’êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. Alors, c’est ça l’enfer. Je n’aurais jamais cru … Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril .. Ah ! Quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres”  Huit Clos de Sartre

Liaison chimique

Photo de Bryce EDSALL
Extrait du texte de Guy Debord "La societé du spectacle"
raging bull three by musik von herr schmidt

I. La séparation achevée
 
« Et sans doute notre temps... préfère l'image à la chose, la copie à l'original, la représentation à la réalité, l'apparence à l'être... Ce qui est sacré pour lui, ce n'est que l'illusion, mais ce qui est profane, c'est la vérité. Mieux, le sacré grandit à ses yeux à mesure que décroît la vérité et que l'illusion croît, si bien que le comble de l'illusion est aussi pour lui le comble du sacré. »
1
Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation.
2
Les images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent dans un cours commun, où l'unité de cette vie ne peut plus être rétablie. La réalité considérée partiellement se déploie dans sa propre unité générale en tant que pseudo-monde à part, objet de la seule contemplation. La spécialisation des images du monde se retrouve, accomplie, dans le monde de l'image autonomisé, où le mensonger s'est menti à lui même. Le spectacle en général, comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du non-vivant.
3
Le spectacle se représente à la fois comme la société même, comme une partie de la société, et comme instrument d'unification. En tant que partie de la société, il est expressément le secteur qui concentre tout regard et toute conscience. Du fait même que ce secteur est séparé, il est le lieu du regard abusé et de la fausse conscience ; et l'unification qu'il accomplit n'est rien d'autre qu'un langage officiel de la séparation généralisée.
4
Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.
5
Le spectacle ne peut être compris comme l'abus d'un mode de la vision, le produit des techniques de diffusion massive des images. Il est bien plutôt une Weltanschauung devenue effective, matériellement traduite. C'est une vision du monde qui s'est objectivée.
6
Le spectacle, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de production existant. Il n'est pas un supplément au monde réel, sa décoration surajoutée. Il est le coeur de l'irréalisme de la société réelle. Sous toute ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l'affirmation omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation corollaire. Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant. Le spectacle est aussi la présence permanente de cette justification, en tant qu'occupation de la part principale du temps vécu hors de la production moderne.
7
La séparation fait elle-même partie de l'unité du monde, de la praxis sociale globale qui s'est scindée en réalité et en image. La pratique sociale, devant laquelle se pose le spectacle autonome, est aussi la totalité réelle qui contient le spectacle. Mais la scission dans cette totalité la mutile au point de faire apparaître le spectacle comme son but. Le langage spectaculaire est constitué par des signes de la production régnante, qui sont en même temps la finalité dernière de cette production.
8
On ne peut opposer abstraitement le spectacle et l'activité sociale effective ; ce dédoublement est lui-même dédoublé. Le spectacle qui inverse le réel est effectivement produit. En même temps la réalité vécue est matériellement envahie par la contemplation du spectacle, et reprend en elle-même l'ordre spectaculaire en lui donnant une adhésion positive. La réalité objective est présente des deux côtés. Chaque notion ainsi fixée n'a pour fond que son passage dans l'opposé : la réalité surgit dans le spectacle, et le spectacle est réel. Cette aliénation réciproque est l'essence et le soutien de la société existante.
9
Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.
10
Le concept de spectacle unifie et explique une grande diversité de phénomènes apparents. Leurs diversités et contrastes sont les apparences de cette apparence organisée socialement, qui doit être elle-même reconnue dans sa vérité générale. Considéré selon ses propres termes, le spectacle est l'affirmation de l'apparence et l'affirmation de toute vie humaine, c'est-à-dire sociale, comme simple apparence. Mais la critique qui atteint la vérité du spectacle le découvre comme la négation visible de la vie ; comme une négation de la vie qui est devenue visible.
11
Pour décrire le spectacle, sa formation, ses fonctions, et les forces qui tendent à sa dissolution, il faut distinguer artificiellement des léments inséparables. En analysant le spectacle, on parle dans une certaine mesure le langage même du spectaculaire, en ceci que l'on passe sur le terrain méthodologique de cette société qui s'exprime dans le spectacle. Mais le spectacle n'est rien d'autre que le sens de la pratique totale d'une formation économique-sociale, son emploi du temps. C'est le moment historique qui nous contient.
12
Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît ». L'attitude qu'il exige par principe est cette acceptation passive qu'il a déjà en fait obtenue par sa manière d'apparaître sans réplique, par son monopole de l'apparence.
13
Le caractère fondamentalement tautologique du spectacle découle du simple fait que ses moyens sont en même temps son but. Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l'empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.
14
La société qui repose sur l'industrie moderne n'est pas fortuitement ou superficiellement spectaculaire, elle est fondamentalement spectacliste. Dans le spectacle, image de l'économie régnante, le but n'est rien, le développement est tout. Le spectacle ne veut en venir à rien d'autre qu'à lui-même.
15
En tant qu'indispensable parure des objets produits maintenant, en tant qu'exposé général de la rationalité du système, et en tant que secteur économique avancé qui façonne directement une multitude croissante d'images-objets, le spectacle est la principale production de la société actuelle.
16
Le spectacle soumet les hommes vivants dans la mesure où l'économie les a totalement soumis. Il n'est rien que l'économie se développant pour elle-même. Il est le reflet fidèle de la production des choses, et l'objectivation infidèle des producteurs.
17
La première phase de la domination de l'économie sur la vie sociale avait entraîné dans la définition de toute réalisation humaine une vidente dégradation de l'être en avoir. La phase présente de l'occupation totale de la vie sociale par les résultats accumulés de l'économie conduit à un glissement généralisé de l'avoir au paraître, dont tout « avoir » effectif doit tirer son prestige immédiat et sa fonction dernière. En même temps toute réalité individuelle est devenue sociale, directement dépendante de la puissance sociale, façonnée par elle. En ceci seulement qu'elle n'est pas, il lui est permis d'apparaître.
18
Là où le monde réel se change en simples images, les simples images deviennent des êtres réels, et les motivations efficientes d'un comportement hypnotique. Le spectacle, comme tendance à faire voir par différentes médiations spécialisées le monde qui n'est plus directement saisissable, trouve normalement dans la vue le sens humain privilégié qui fut à d'autres époques le toucher ; le sens le plus abstrait, et le plus mystifiable, correspond à l'abstraction généralisée de la société actuelle. Mais le spectacle n'est pas identifiable au simple regard, même combiné à l'écoute. Il est ce qui échappe à l'activité des hommes, à la reconsidération et à la correction de leur oeuvres. Il est le contraire du dialogue. Partout où il y a représentation indépendante, le spectacle se reconstitue.
19
Le spectacle est l'héritier de toute la faiblesse du projet philosophique occidental qui fut une compréhension de l'activité, dominé par les catégories du voir ; aussi bien qu'il se fonde sur l'incessant déploiement de la rationalité technique précise qui est issue de cette pensée. Il ne réalise pas la philosophie, il philosophie la réalité. C'est la vie concrète de tous qui s'est dégradée en univers spéculatif.

20
La philosophie, en tant que pouvoir de la pensée séparée, et pensée du pouvoir séparé, n'a jamais pu par elle-même dépasser la théologie. Le spectacle est la reconstruction matérielle de l'illusion religieuse. La technique spectaculaire n'a pas dissipé les nuages religieux où les hommes avaient placé leurs propres pouvoirs détachés d'eux : elle les a seulement reliés à une base terrestre. Ainsi c'est la vie la plus terrestre qui devient opaque et irrespirable. Elle ne rejette plus dans le ciel, mais elle héberge chez elle sa récusation absolue, son fallacieux paradis. Le spectacle est la réalisation technique de l'exil des pouvoirs humains dans un au-delà ; la scission achevée à l'intérieur de l'homme.
21
A mesure que la nécessité se trouve socialement rêvée, le rêve devient nécessaire. Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n'exprime finalement que son désir de dormir. Le spectacle est le gardien de ce sommeil.
22
Le fait que la puissance pratique de la société moderne s'est détachée d'elle-même, et s'est édifié un empire indépendant dans le spectacle, ne peut s'expliquer que par cet autre fait que cette pratique puissante continuait à manquer de cohésion, et était demeurée en contradiction avec elle-même.
23
C'est la plus vieille spécialisation sociale, la spécialisation du pouvoir, qui est à la racine du spectacle. Le spectacle est ainsi une activité spécialisée qui parle pour l'ensemble des autres. C'est la représentation diplomatique de la société hiérarchique devant elle-même, où toute autre parole est bannie. Le plus moderne y est aussi le plus archaïque.
24
Le spectacle est le discourt ininterrompu que l'ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux. C'est l'auto-portrait du pouvoir à l'époque de sa gestion totalitaire des conditions d'existence. L'apparence fétichiste de pure objectivité dans les relations spectaculaires cache leur caractère de relation entre hommes et entre classes : une seconde nature paraît dominer notre environnement de ses lois fatales. Mais le spectacle n'est pas ce produit nécessaire du développement technique regardé comme développement naturel. La société du spectacle est au contraire la forme qui choisit son propre contenu technique. Si le spectacle, pris sous l'aspect restreint des « moyens de communication de masse », qui sont sa manifestation superficielle la plus écrasante, peut paraître envahir la société comme une simple instrumentation, celle-ci n'est en fait rien de neutre, mais l'instrumentation même qui convient à son auto-mouvement total. Si es besoins sociaux de l'époque où se développent de telles techniques ne peuvent trouver de satisfaction que par leur médiation, si l'administration de cette société et tout contact entre les hommes ne peuvent plus s'exercer que par l'intermédiaire de cette puissance de communication instantanée, c'est parce que cette « communication » est essentiellement unilatérale ; de sorte que sa concentration revient à accumuler dans les mains de l'administration du système existant les moyens qui lui permettent de poursuivre cette administration déterminée. La scission généralisée du spectacle est inséparable est inséparable de l'Etat moderne, c'est-à-dire de la forme générale de la scission dans la société, produit de la division du travail social et organe de la domination de classe.
25
La séparation est l'alpha et l'oméga du spectacle. L'institutionnalisation de la division sociale du travail, la formation des classes avaient construit une première contemplation sacrée, l'ordre mythique dont tout pouvoir s'enveloppe dès l'origine. Le sacré a justifié l'ordonnance cosmique et ontologique qui correspondait aux intérêts des maîtres, il a expliqué et embelli ce que la société ne pouvait pas faire. Tout pouvoir séparé a donc été spectaculaire, mais l'adhésion de tous à une telle image immobile ne signifiait que la reconnaissance commune d'un prolongement imaginaire pour la pauvreté de l'activité sociale réelle, encore largement ressentie comme une condition unitaire. Le spectacle moderne exprime au contraire ce que la société peut faire, mais dans cette expression le permis s'oppose absolument au possible. Le spectacle est la conservation de l'inconscience dans le changement pratique des conditions d'existence. Il est son propre produit, et c'est lui-même qui a posé ses règles : c'est un pseudo sacré. Il montre ce qu'il est : la puissance séparée se développant en elle-même, dans la croissance de la productivité au moyen du raffinement incessant de la division du travail en parcellarisation de gestes, alors dominés par le mouvement indépendant des machines ; et travaillant pour un marché toujours plus tendu. Toute communauté et tout sens critique se sont dissous au long de ce mouvement, dans le quel les forces qui ont pu grandir en se séparant ne se sont pas encore retrouvées.
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Avec la séparation généralisée du travailleur et de son produit, se perdent tout point de vue unitaire sur l'activité accomplie, toute communication personnelle directe entre les producteurs. Suivant le progrès de l'accumulation des produits séparés, et de la concentration du processus productif, l'unité et la communication deviennent l'attribut exclusif de la direction du système. La réussite du système économique de la séparation est la prolétarisation du monde.
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Par la réussite même de la production séparée en tant que production du séparé, l'expérience fondamentale liée dans les sociétés primitives à un travail principal est en train de se déplacer, au pôle de développement du système, vers le non-travail, l'inactivité. Mais cette inactivité n'est en rien libérée de l'activité productrice : elle dépend d'elle, elle est soumission inquiète et admirative aux nécessités et aux résultats de la production ; elle est elle-même un produit de sa rationalité. Il ne peut y avoir de liberté hors de l'activité, et dans le cadre du spectacle toute activité est niée, exactement comme l'activité réelle a été intégralement captée pour l'édification globale de ce résultat. Ainsi l'actuelle « libération du travail », l'augmentation des loisirs, n'est aucunement libération dans le travail, ni libération d'un monde façonné par ce travail. Rien de l'activité volée dans le travail ne peut se retrouver dans la soumission à son résultat.
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Le système économique fondé sur l'isolement est une production circulaire de l'isolement. L'isolement fonde la technique, et le processus technique isole en retour. De l'automobile à la télévision, tous les biens sélectionnés par le système spectaculaire sont aussi ses armes pour le renforcement constant des conditions d'isolement des « foules solitaires ». Les spectacle retrouve toujours plus concrètement ses propres présuppositions.
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L'origine du spectacle est la perte d'unité du monde, et l'expansion gigantesque du spectacle moderne exprime la totalité de cette perte : l'abstraction de tout travail particulier et l'abstraction générale de la production d'ensemble se traduisent parfaitement dans le spectacle, dont le mode d'être concret est justement l'abstraction. Dans le spectacle, une partie du monde se représente devant le monde, et lui est supérieure. Le spectacle n'est que le langage commun de cette séparation. Ce qui relie les spectateurs n'est qu'un rapport irréversible au centre même qui maintient leur isolement. Le spectacle réunit le séparé, mais il le réunit en tant que séparé.
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L'aliénation du spectateur au profit de l'objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s'exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L'extériorité du spectacle par rapport à l'homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représentent. C'est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout.
31
Le travailleur ne se produit pas lui-même, il produit une puissance indépendante. Le succès de cette production, son abondance, revient vers le producteur comme abondance de la dépossession. Tout le temps et l'espace de son monde lui deviennent étrangers avec l'accumulation de ses produits aliénés. Le spectacle est la carte de ce nouveau monde, carte qui recouvre exactement son territoire. Les forces même qui nous ont échappé se montrent à nous dans toute leur puissance.
32
Le spectacle dans la société correspond à une fabrication concrète de l'aliénation. L'expansion économique est principalement l'expansion de cette production industrielle précise. Ce qui croît avec l'économie se mouvant pour elle-même ne peut être que l'aliénation qui était justement dans son noyau originel.
33
L'homme séparé de son produit, de plus en plus puissamment produit lui-même tous les détails de son monde, et ainsi se trouve de plus en plus séparé de son monde. D'autant plus sa vie est maintenant son produit, d'autant plus il est séparé se sa vie.
34
Le spectacle est le capital à un tel degré d'accumulation qu'il devient image.
 
 
Photos de famille

"A ma minette pour la vie tendre baisers GEORGES"







Le Testament d'Orphée ou ne me demandez pas pourquoi !

« Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans un miroir, et vous verrez la mort travailler, comme des abeilles dans une ruche de verre. » (Jean Cocteau, (1949))

Dernier long métrage de Jean Cocteau réalisé en 1959 et sorti en 1960. Le Testament d'Orphée est aussi son ultime message comme il le définit lui-même en exergue de son film : « Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu ».Le film a pu être tourné grâce à François Truffaut aux Baux-de-Provence (notamment au Val d’Enfer et dans les carrières). Certaines scènes ont pour décor la villa Santo Sospir à Saint-Jean-Cap-Ferrat, propriété de Francine Weisweiller dont les murs sont peints à fresque par Jean Cocteau. Le film montre également, le temps d'une scène, la façade de la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer décorée par Cocteau. Il s’agit d’une introspection où Cocteau se met lui-même en scène pour une série de variations poétiques et philosophiques sur les thèmes qu’il a explorés toute sa vie durant."Ma grande affaire est de vivre une actualité qui m’est propre et qui abolit le temps. Ayant découvert que cet état était mon privilège, je m’y suis perfectionné et enfoncé davantage". Il meurt et renaît plusieurs fois tel un phénix poétique. Il joue avec le temps, mêlant les époques et les mythologies, créant aussi de jolis effets visuels de plans retournés et de trucages audacieux. Beaucoup d’acteurs différents (dont Jean-Pierre Léaud à l’âge de quatorze ans!) et quelques apparitions de ses amis. Lors du tournage, Jean Cocteau accepta qu’une équipe radiophonique, conduite par Roger Pillaudin, suive l'avancement du film.

Lien pour télécharger le film :http://www.megauploadz.com/mega/9647/

Le Crachoir du Solitaire de Nihil Messtavic


"Penser c'est se mutiler, tous les penseurs sont infirmes".

Le Crachoir du Solitaire, Nihil Messtavic.

Nous ne saurons sans doute jamais qui prit la peine de couvrir ces milliers de pages jaunies d'une fine écriture subtilement déformée par l'angoisse et l'amertume. Son intérêt personnel le portait aussi bien vers la philosophie, la littérature, que vers le dessin et la poésie. Le contenu de la malle me l'a prouvé. C'est tout ce que nous savons de lui. C'est tout ce que nous saurons jamais, fort probablement. Des mois que j'ai passés à transcrire, avec l'aide précieuse d'amis traducteurs, les milliers de pages contenues dans la malle de Nihil Messtavic, je garde l'arrière-goût doux-amer d'une gorgée d'arsenic, la brûlure glacée et voluptueuse d'une lame de rasoir trempée dans l'huile de vitriol. Son désespoir est sans retour, sa funeste attirance pour le néant, illimitée. C'est à la découverte de cette pensée hors norme -- hors le monde -- que je vous convie ici, en commençant sciemment par les plus exigeants des écrits de Messtavic, ses aphorismes et pensées. (Vedma Nàdasty, extrait des Notes introductives).

Extrait:

Rien ne va bien, jamais, tout est toujours en attente sur la grande route du pire.
Lorsque je suis seul, il en reste un de trop!
Le sens de la vie c'est de sonder la mort avant que d'y plonger.
Lorsque la Terre a voulu se suicider, elle a demandé à Dieu de transformer le singe en homme. Une mort lente et douloureuse assurée.
Rien n'est vrai, tout est faux. Sauf la mort.

Qui était-il :
 
Toute information sur Nihil Messtavic ne peut que rester spéculative. On ne sait rien sur lui, après plusieurs recherches je n'ai pu trouver personne portant ce nom. Divers éléments dans ses écrits nous permettent cependant d'émettre quelques hypothèses : Il aurait vécu fin XIX° début XX°, en Europe. Certainement d'origine slave mais pourtant parfaitement polyglotte.
Dates : Les éléments qui sont à notre disposition, entres autres, sont ses écrits qui font deux fois allusion à Nietzsche dont il a du être le contemporain. Il place aussi parfois ses nouvelles dans la société victorienne. Il fait aussi allusion au Choléra qui dans la seconde moitié du XIX° fit de nombreuses victimes et marqua les esprits.
Aucune référence à quelque automobile dans les rues, ce qui pourrait situer sa mort, ou du moins l'arrêt de sa production au début des années 1900. Pourtant cette supposition reste sujette à caution : toute l'Europe n'a pas connu l'automobile au début XX°.
Origines et situations géographiques : Si donner une estimation des dates de sa vie n'est pas chose aisée, en donner une sur ses origines et ses lieux de résidence devient plus risqué. En effet, il use de plusieurs langues (anglais, français, diverses langues slaves ou balkaniques...) il les utilise chacune avec autant de régularité et semble les maîtriser aussi bien qu'il y fait d'aberrantes fautes de langage.
Quant aux cadres de ses écrits, si tant est que Messtavic se soit inspiré de son environnement et non de ses lectures ou imaginations pour écrire ses nouvelles, ils sont changeants. Aucun indice ne nous permet de déterminer un lieu en particulier même si plusieurs nous permettent de penser tout à la fois à l'Angleterre, la région Hongroise, ou même la Suisse ou la France.
Origines de son nom : Peu de doutes quant au fait qu'il utilisait un pseudonyme, du moins pour son prénom.
Nihil : Très peu de possibilité de conclure quoi que ce soit.
Messtavic : Aucun Messtavic ne semble avoir existé. Pourtant le suffixe "vic" à la fin du nom peut nous laisser supposer une origine balkanique : en Ex-Yougoslavie beaucoup de noms de familles ont cette même terminaison. Pourtant là encore le doute règne car s'il s'avère qu'il avait adopté un pseudonyme toute spéculation est absurde, d'autant plus que le doublement du "s" nous empêche de valider cette hypothèse d'origine adriatique.

Son oeuvre :

L’œuvre de Nihil Messtavic est colossale. Des nouvelles, des romans, mais aussi un nombre incroyable de feuilles éparses de poèmes et de courts essais philosophiques (bien que dans ce domaine il s'agisse le plus souvent d'aphorismes de quelques lignes).
Philosophie : Sa volonté était de fonder sa propre philosophie loin de toute influence historique, universitaire ou littéraire. S’il répond à d’autres philosophes (et c’est rarissime) c’est avec un certain dédain, pour critiquer négativement leur pensée.
On pourrait ainsi résumer sa pensée : La réalité n’offre qu‘une liberté limitée, l’humanité est l’expression des plus viles tendances de la nature car elle y ajoute la conscience, le vice et le mensonge, et Dieu est la figure de cet enfer. Ainsi lucide sur cet état de fait pourquoi se contenter de cette souffrance, pourquoi l’accepter? Il faut détrôner Dieu, en prendre la place, nier l’arbitraire réalité, se détacher aussi bien de l’humain qui nous entoure que des parts d'humanité et de nature physique qui nous imprègne. En bref suivre une voie solipsiste tout en restant conscient qu’une part de soi reste prisonnière de la commune réalité et que la vie n’est qu’une circonstance absurde.
Une vision pessimiste mais lucide, une tendance sceptique et nihiliste mais qui veut transcender le néant, qui ne voit que l’égoïsme, une certaine forme de folie et la solitude, parfois la mort, pour se sauver de la décadence d'être humain.
Bien que ses écrits insistent sur la dépréciation de l’existence, Messtavic ne s’enferme pas uniquement dans ce pessimisme inerte, il offre toujours la voie du suicide comme la tentation vers un néant acceptable, de la même façon qu’il propose l’imaginaire comme refuge digne d'estime et comme alternative sensée à l'absurde.
Vous pouvez commander les deux recueils d'aphorismes de Nihil Messtavic Le crachoir du solitaire et Sentences Létales directement sur le site de l'éditeur La clef d'argent
Romans et nouvelles : Une plume obscurément raffinée. Différentes tendances littéraires se dégagent des ces types d'écrits. On pourrait ainsi les classer en deux thèmes : Fantastique et Tragique.
Fantastique
: Les thèmes habituels de son époque sont abordés : fantômes, revenants, vampires, objets maudits... Des nouvelles qui malgré leur laconisme et leur brutalité (il faut y voir l'absence totale de censure ou d'idée de publication, donc une liberté totale à une époque cloîtrée dans les convenances) s'inscrivent dans la lignée des écrits fantastiques d'alors.
Tragique
: Les nouvelles à caractère non fantastique sont minoritaires dans l'oeuvre de Messtavic, elles n'en sont pas moins des éléments remarquables. Traitant le plus souvent de personnages solitaires destinés à ne ressentir que les froids murs de l'absurde et de la mélancolie. Ces écrits poétiques, parfois de véritables poèmes en prose, semblent symboliser l'inexorable besoin de savoir que la mort, presque divinisée à travers les mots, existe bel et bien, qu'elle offre un néant en tous points opposé à la désagréable agitation de l'existence.
Poésie : Le plus souvent en rimes libres, ses poèmes ont pour thèmes majeurs la mort, la folie et le déchirement de l’être prisonnier de la réalité. Volontiers mélancoliques et lugubres ils ne sont pas sans évoquer Poe ou Baudelaire, même si leur forme diffèrent énormément et que la violence de ceux de Messtavic sont plus exacerbés. 

Vedma Nàdasty  

Site: www.messtavic.com

L'érotisme. De l'obscène au sublime. de ROGER DADOUN



Après avoir déployé, des Vénus callipyges aux hardeurs du porno, de Messaline à Jean de la Croix, le vaste panorama des paysages et créations historiques, Dadoun s’attache à cerner les sources profondes, nocturnes et nourricières de l’Éros : libido fœtale dans la nuit matriciante de la gestation ; nuits matricielles du rêve, voie royale de l’universelle empreinte d’Éros.

L'érotisme

L'érotisme expose et fait exploser la sexualité dans toutes ses dimensions, de l'obscène au sublime. Picasso proclame : « L'art et le sexe, c'est la même chose ». Duchamp monte d'insolites mises à nu sous le signe de Rrose Sélavy (Éros, c'est la vie). Jérôme Bosch exalte et torture les corps pour composer un art d'aimer édénique. Ingres, Bonnard, Michel-Ange et tant d'autres chantent une chair que Schiele décharne jusqu'à l'os et que Klimt couvre d'or... Sade pousse Éros vers l'horreur, Fourier promet un Nouveau monde amoureux où « chacun a raison en amour », Le Surmâle de Jarry brûle d'amour, et Kubrick dit son dernier mot : « Fuck ! »

Allégorie de la caverne


"Allégorie de la caverne"

Imagine des hommes dans une demeure souterraine...Chacun est potentiellement dans une position impliquant des habitudes de vie, des croyances, des convictions, des certitudes, des façons de penser, de se représenter le monde, de concevoir ce qui est vrai et faux, combinant a priori et préjugés, déductions hâtives.
Dans la caverne, les humains sont enchaînés de sorte qu'ils ne « peuvent voir que devant eux ». Une lumière leur vient de derrière eux, d'un feu allumé sur une hauteur. La lumière extérieure passe par une ouverture de la caverne, de sorte que le corps de chaque prisonnier projette son ombre sur les parois. Les enchaînements représentent les croyances, certitudes, convictions, préjugés et autres a priori. La difficulté à rompre les chaînes image celle de se défaire de ce qu'elles représentent et traverse les âges dans les préoccupations des philosophes.
Considère maintenant (...) qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser...soudainement confronté à un brusque changement, incarné par une situation nouvelle pénible ou par une idée nouvelle remettant en cause les préjugés anciens. Il souffrira et l'éblouissement l'empêchera de distinguer les objets dont tout à l'heure il voyait les ombres.

* Le message certainement le plus fort est de ne pas prendre pour vraies les données de nos sens et les préjugés formés par l'habitude. Platon met en évidence la difficulté des Hommes à changer leurs conceptions des choses, leurs résistances au changement, l'emprise des idées reçues.

* Une clef de compréhension de l'allégorie est fournie par Socrate lui-même dans le livre VII de La République : « [...]cette remontée depuis la grotte souterraine jusque vers le soleil ; et une fois parvenu là, cette direction du regard vers les apparences divines [...] voilà ce que toute cette entreprise des arts que nous avons exposé a le pouvoir de réaliser. » (532c) Il s'agit donc de passer de l'opinion (fournie par les sens et les préjugés) à la connaissance de la réalité intelligible, des Idées.

* Le philosophe s'échappe de la caverne grâce à l'exercice de la dialectique, sans le support d'aucune perception des sens (532a). A mesure que son regard s'habitue à la lumière vive du monde des Idées, il parvient au terme de l'intelligible (532b).