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Solidaire de la Miroiterie

La Miroiterie sous la menace d’une expulsion de ses habitants puis d’une fermeture.
Le plus vieux squat artistique de Paris, situé dans le quartier de Menilmontant, n’a jamais été aussi en danger qu’actuellement. Il aura su résister jusqu’ici aux différentes menaces mais cette fois-ci, il semble que l’attaque soit plus pernicieuse et l’issue presque inévitable. Le lieu pourrait ne plus exister après le 15 octobre.
Depuis plus de 13 ans, la Miroiterie est un lieu culte pour la scène musicale parisienne, de par ses concerts mais aussi par ses nombreuses expositions et manifestations ouvertes à tous, créées par des artistes du monde entier. La Miroiterie accueille parfois jusqu’à 5 concerts par semaine pour une entrée à prix libre, à savoir que le public peut donner ce qu’il veut pour chaque concert, ou à quelques euros à peine. Plus de 5000 groupes ont pu s’y produire. Mais suite au rachat des lieux par une agence immobilière, le squat est menacé.




AVIS A LA POPULATION

"La Miroiterie est sous le coup d'une expulsion effective.
A partir du 15 octobre, et ce avant la trêve hivernale !!!
La Miroiterie, c'est depuis plus de 13 ans environs 5 concerts par semaine (=plus de 5000 groupes)

, des ateliers de peinture, théatre, danse, musique,et un lieu de vie pour de nombreux artistes...
Nous avons une culture. Elle n'a pas de pays et traverse les générations. Ce n'est pas une culture de cloisonnement et des frontières, mais du partage et des différences. Elle appartient à la foule, aux individus et à la rue. Elle est faite de bruit, de musique, de paroles, de pigments et s'exprime sur des murs, du papier, des vinyles, des cd, des k7 et des clefs usb. Elle n'est pas côtée en bourse, ne répond pas à un objectif de rendement. Elle gueule, crie, frappe, fait mal, se blesse parfois elle même, mais c'est parce qu'elle est bien vivante. Elle n'as pas besoin d'une étude de marché pour pouvoir exister...Elle a juste besoin de toi de moi, de nous, de vous...Et surtout de lieux comme celui-ci pour pouvoir exister."


Pour sauver la miroiterie : http://www.petitionduweb.com
Site: http://lamiroit.free.fr


« Je veux que le sang coule dans le caniveau. » from Jean Huppe on Vimeo.

Vivre vite et mourir !! GG Allin


GG Allin, né Jesus Christ Allin, chanteur punk hardcore et transgressif, hyper toxicomane, alcoolique, et choquant à l’extrême sur scène comme dans la vie de tous les jours.
GG Allin ,est né le 29 août 1956, à Lancaster (New Hampshire Etats-unis). Il connaît une enfance difficile, dans une petite maison faite de bric et de broc sans électricité ni eau, avec un père instable, religieux fanatique, interdisant le dialogue à la maison. C’est d’ailleurs son père, qui lui a donné ce « sacré » nom de Jesus Christ Allin persuadé qu’il était une figure messianique.


 Sa mère pour lui donner une chance de s’intégrer et de ne pas être la risée de tout le monde pendant toute sa vie, le fait changer de nom le 2 mars 1962: il devient ainsi Kevin Michael Allin.
Il vit au coté de son frère aîné, Merle Allin, qui lui donne ce surnom ‘gg’ malgré lui, car étant petit il prononçait ‘jiji’ à la place de Jesus.
Dès son plus jeune âge il s’avère être très instable, rebelle et aimant choquer.
On retrouve des photos de classes de première où on peut le voir déguisé en drag queen.
A son adolescence il passe son temps à traîner, dealer de la drogue, entrer par effraction chez les gens, voler, etc.


Batteur à ses débuts, il devient un chanteur-batteur, puis chanteur, dont les apparitions deviennent de plus « spectaculaires » . Il a appartenu à de nombreuses formations punk (plus d’une vingtaine) durant sa carrière, mais cet artiste très prolifique, aimait aussi jouer de la country, et du rock ‘n’ roll. Sur scène, ses apparitions sont de véritables éloges à l’auto-destruction, l’auto-mutilation, la scatophilie, et la sexualité outrancière



Il joue souvent nu, couvert de son propre sang (il s’ouvre généralement avec des objets coupants) et de sa propre matière fécale. En effet, il utilisait très souvent des laxatifs avant ses concerts afin de déféquer sans problème sur scène et lançait alors ses fèces sur le public en « délire ». Il se bâtait constamment avec son public qu’il aimait insulter ou bien mettre au défi de lui faire une fellation. C’était donc un fervent défenseur de l' art performance ou du shock rock.



Bien qu’il l’avait de nombreuses fois laissé entendre, GG Allin ne s’est pas suicidé sur scène. Il est mort d’une overdose d’héroïne, lors d’une fête, le 28 juin 1993 dans l’appartement d’une amie. Son dernier concert, au club « The Gas Station » à New York, le soir même de sa mort, fût un des plus mémorables de sa carrière. Après avoir fait quelques morceaux, une coupure de courant le poussa à sortir complètement nu, couvert de sang et d’excréments (comme à son habitude) dans les rues de New Yorks, laissant ses nombreux fans l’embrasser devant des passants outrés.




 

Son enterrement reste aussi très transgressif. Selon ses vœux, il fût donc mis dans son cercueil, non lavé (c’est à dire plein de sang et d’excréments), non maquillé, avec une simple veste en cuir et un slip en sparadrap. Ses amis prirent alors de nombreuses photos de lui, organisant une véritable fiesta autour de sa dépouille, posant à coté de lui, lui mettant de la cocaïne et du whisky dans la bouche, et baissant son slip pour prendre des photos de son pénis.

 

 

C'est en 1994 que le documentaire de Todd Philipps voit le jour « Hated: GG Allin and the murder junkies ». Ce documentaire retrace la carrière mouvementée de GG Allin, il contient des images de concerts, des interviews de GG Allin, des images de son enfance dans le rural  New Hampshire ainsi que des images de son enterrement. On peut notamment y voir une scène tournée à l’Université de New York, où il se met nu face à son public et s’insère une banane dans l’anus, injuriant les jeunes gens et leur disant simplement que si le spectacle ne leur plaît pas il peuvent partir

 

 

LIVE FAST and DIE !!


 

Télécharger le documentaire de Todd Philipps « Hated: GG Allin and the murder junkies » : http://www.multiupload.com 

(Fichier Zip) Mot de passe : lesintrouvables

Qualité : DVDRip

Langue : VOSTF 

 





 

El Día de la bestia

Film italo-espagnol réalisé par Álex de la Iglesia, sorti en 1995,  il reçut, entre autres, le Prix Goya du meilleur réalisateur. La musique du film est de Def Con Dos.
Nourri à la contre-culture, ancien dessinateur de bande-dessinée, cinéphile averti et ouvert à tous les horizons, Álex de la Iglesia n’a pas un modèle, mais des milliers. Et il n’est pas étonnant de trouver dans sa filmographie aussi bien des road-movie à l’américaine, (Perdita Durando, 1997), des satires sociales, (Mes chers voisins, 2002); (Le crime farpait, 2005), des films de pure horreur (La chambre de l’enfant, 2008) ou encore des revival de westerns (800 balles, 2004).
Fort de sa cinéphilie dont il se sert plus comme d’un brouillon que comme d’une bible, Alex de la Iglesia commettait, en 1995, un film qui allait durablement marquer toute une jeune génération de cinéphiles… et de réalisateurs.
Le jour de la bête (El Día de la bestia) est d’autant plus important et intéressant que, comme tous les films fantastiques réussis, il parvient à exister par lui-même et par ses qualités esthétiques tout en délivrant un sous-texte construit et assez flippant. Le postulat de base est assez simple : un curé basque, assez quelconque bien qu’un peu illuminé, pense avoir trouvé la date de naissance de l’Antechrist mais doit pour cela trouver l'enfant qui servira de réceptacle à l’Immonde. Afin d’identifier l'enfant en question et le tuer, il doit se rapprocher du Diable, et afin d’y parvenir pense devoir faire le Mal…
Point de départ assez classique, si ce n’est que le génie du réalisateur est d’associer à ce curé (brillamment interprété par Alex Angulo) un parterre d’acolytes dignes représentants de la société espagnole (telle que de la Iglesia semble la voir, à cette époque-là) qui va sublimer le postulat et le rendre social tout en conservant une légèreté comique désarmante. Le jeune sataniste, fan de heavymetal, paumé, un peu crade mais bon fils tout de même (inénarrable Santiago Segura), le présentateur de télé ésotérique qui n’arrive même pas à croire en son gagne-pain, et la bimbo blondasse écervelée qui pourrait fort bien servir de victime sacrificielle.
Sans dévoiler le dénouement, il est tout de même important de préciser que l’emballement du récit et l’inévitable rencontre finale avec le Diable ouvriront encore une nouvelle dimension inattendue au sein-même du film, une (pré)vision sociale qui glace finalement plus que le visage du Démon. Plus qu’une morale, la fin du film agit peut être plus comme une prophétie : et si le Diable n’avait pas une queue fourchue et une tête de chèvre, mais bel et bien un visage humain.



Plus que simple film de genre réussi, Le jour de la bête est sans aucun doute l’un des premiers films fantastiques espagnols de l’ère moderne à avoir fait plus que peur ou rire, et à avoir véhiculé de manière efficace et spectaculaire un sous-texte social ou politique.

Pour télécharger le film (en français): http://www.megaupload.com/?d=0LQ6RPJR

Les égouts de mexico

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Voici un article de Jean-Paul Dubois du Nouvel Observateur qui date du 9 septembre 2009, depuis 3 des scaphandriers ont démissionné et les conditions de travail non pas changé.   

A mains nues, ces scaphandriers débouchent les égouts de la capitale. Jour et nuit, ils plongent dans les eaux noires de ce cloaque effarant où ils ont rendez-vous avec la mort.

Ils vivent dans un ventre. Un ventre infecté, fétide, grouillant de vermine et de miasmes, charriant tous les restes et les abats du monde. Un ventre glacé, dangereux, sombre comme une tombe, où les morts vous effleurent et parfois vous emportent avec eux dans le fil du courant. Ils vivent dans un ventre cauchemardesque, purulent, incurable, qui sans cesse se vide et se vide encore, et lentement les dévore. Ils sont quatre. Quatre hommes minuscules, qui de nuit comme de jour plongent dans ces milliers de kilomètres d’entrailles où vous ne jetteriez même pas vos pires souvenirs. Ensuite, lestés de plomb, ils avancent à tâtons dans ces déjections liquides et noires pour déboucher à mains nues les afflux de matières, de cadavres et de carcasses inimaginables mettant sans cesse en occlusion ce long intestin urbain qui n’en peut plus de digérer les ripailles des hommes. Nous sommes bien là à l’extrême limite de l’humanité, à 2200 mètres d’altitude mais surtout à cent pieds sous terre, dans les égouts profonds de Mexico City. Ce qui se passe là-dessous, ce que l’on y retrouve, ce que l’on en remonte, vous ne l’avez jamais imaginé.

Et même Julio Cu, Luis Conarubias, Carlos Barios et Ricardo Vesquez, seuls plongeurs au monde à descendre aussi profond dans l’abjection, ont parfois du mal à s’habituer aux turpitudes irrationnelles de cet abdomen. Chirurgiens de la misère, ils gagnent tout juste de quoi s’en extraire. Le temps de s’habiller dignement. De prendre un repas en famille. Et puis le téléphone sonne. Et c’est toujours la même histoire. Le «monstre», comme ils l’appellent, a encore des spasmes. Et il faut redescendre fouiller les eaux. Alors, pareils à des urgentistes, ils quittent la table et vont plonger du côté du Paseo de la Reforma ou bien vers le Viaducto Miguel Aleman. Comme on l’a déjà dit et comme on ne cessera de le répéter, ils sont quatre. Quatre scaphandriers, silencieux et têtus, quatre enzymes nettoyeurs, obstinés, debout au milieu du courant. Avec, au-dessus de leurs têtes, 19 millions d’habitants qui, sans cesse, les submergent.

Mexico City est une ville à part à bien des égards. Entourée de montagnes, elle est construite en altitude sur une vallée marécageuse. Les eaux des fortes pluies de la région ne peuvent être absorbées par les sols et sont donc évacuées par d’immenses conduites d’égout, tantôt souterraines, tantôt à ciel ouvert. Dans ces canalisations se déversent également les eaux usées de la ville, toutes les déjections, les rejets industriels, chimiques et hospitaliers. Et cette sombre soupe, parfois épaisse, parfois fluidifiée par un orage, chemine dans tous ces boyaux souterrains à une allure moyenne de 5 mètres cubes par seconde. En cas d’obturation, les bouches, à la surface, giclent alors sous la pression de ce champagne nauséabond. C’est pour prévenir cet envahissement que Julio et les siens plongent et travaillent dans les aguas negras, ce torrent fait de toutes les impuretés de la terre.

On les appelle les «eaux noires» parce que 5 centimètres au-dessous de la surface on n’y voit déjà plus rien. Absolument rien. Au point qu’aucune lumière, aucun spot si puissant soit-il, ne peut éclairer ces ténèbres. À plusieurs mètres de profondeur, reliés à la surface par une simple corde, glacés par le froid malgré des combinaisons étanches, heurtés ou effleurés par des formes qu’ils ne distingueront jamais, les plongeurs travaillent à tâtons, en essayant à l’aveuglette d’identifier ce qu’ils touchent. Parfois c’est un cadavre d’homme. Ou simplement une jambe. Ou un matelas, un canapé, un réservoir d’eau, un arbre. Ou encore une carcasse de chien. Un âne. Un cochon. Une chèvre. Un boeuf. Ou bien une Volkswagen, une Datsun, une Renault. Dans cet inframonde liquide et souterrain, toutes les rencontres sont possibles.

«On essaie d’identifier la nature du bouchon en le palpant, raconte Julio Cu, le chef des plongeurs. Si c’est un corps, bien sûr, ça fait peur. Toujours. Mais on reste calme, on travaille comme d’habitude. Et quand on a fini le boulot, l’eau s’écoule à nouveau normalement. Voilà.» Les voitures, ils les découpent comme ils le peuvent et les remontent par morceaux à la surface. Les cadavres aussi. On ne s’habitue jamais à ce genre de besogne. «De toute façon on n’a pas le choix, on doit garder notre sang-froid. Car si jamais, là-dessous, on panique, c’est la mort assurée, ajoute Luis Conarubias, qui fait ce travail depuis dix-sept ans. Et puis ici, vous savez, on n’est pas en Amérique, on n’a pas un psychologue pour discuter avec nous chaque fois qu’on remonte un cadavre ou qu’on se frotte à un corps. On fait ce qu’on a à faire et on se tait. Et la nuit on essaie de dormir en rêvant à de jolies filles.»

À Mexico City, c’est presque une tradition que d’expédier tout ce qui gêne dans les égouts. Avant que les canalisations n’existent, les habitants jetaient déjà toutes leurs eaux usées par les fenêtres en criant: «Aguas! aguas!», ce qui voulait dire: «Attention, ça va tomber!» Aujourd’hui, les canaux à ciel ouvert, les trappes, les bouches, les regards sont considérés comme autant de poubelles à tri sélectif. Dans les petites, on glisse les carcasses de chiens, dans les moyennes, celles des hommes, et dans les grosses, les voitures ou les boeus, selon que l’on habite dans le centre ou en périphérie.
Quand on demande à Julio Cu s’il a déjà fait analyser les aguas negras dans lesquelles il travaillait, il vous regarde comme s’il s’apercevait soudain que vous portiez des ballerines: «Vous plaisantez ou quoi? Vous savez dans quoi on plonge? De quoi est faite cette eau? Des excréments de 22 millions d’habitants, de leur urine, de leurs eaux de vaisselle, des déchets hospitaliers, de préservatifs, de seringues, de tous les effluents toxiques et corrosifs imaginables que rejettent, sans les traiter, les industries chimiques de la périphérie, et vous voudriez qu’on fasse des analyses?»

C’est dans cet environnement qu’il y a quelques années est mort Luis Silva, un membre de l’équipe. On l’avait appelé pour un travail de routine. Un bouchon sur une de ces conduites de 6 mètres de diamètre. Et il s’était équipé. Et il était descendu. Et il avait essayé d’identifier l’obstacle. Et il avait entrepris de le démonter morceau par morceau. Et il y était presque arrivé. Et l’eau avait commencé à s’évacuer. Mais sous l’effet de la pression, comme au fond dune baignoire, une sorte de siphon s’était formé et avait aspiré Luis Silva. Emporté par le courant, il fut retrouvé mort à 1 kilomètre de là. La puissance des eaux lui avait brisé la nuque avant même qu’il ait eu le temps de manquer d’air. «Ce jour-là, Luis avait commis une faute grave, la pire des fautes que l’on puisse commettre, dit Julio Cu. Il ne s’était pas encordé.»
La corde. Elle est aussi précieuse que le mince tuyau de caoutchouc qui alimente le scaphandrier en oxygène. Elle est le lien ultime et ténu qui raccroche ces hommes à la surface du monde. L’ingénieur Mario Octavio Castillo Rojas est sous-directeur de la maintenance électromécanique de la Ville de Mexico. Carlos, Luis, Julio et Ricardo sont tous affectés à son service. Il les regarde comme des êtres d’une autre planète auxquels il voue une admiration totale. «Imaginez que ces hommes touchent à peine 300 dollars, le salaire d’une caissière, d’un facteur ou d’un chauffeur de taxi. Ils gagnent bien moins que des plongeurs en eau claire. Et pourtant ce sont les seuls au monde à faire ce travail. Les gens de la surface ne les connaissent pas, ne savent même pas quelle est leur incroyable mission. Pour moi, ce sont des êtres exceptionnels.»

Lorsque l’on demande à ces hommes comment ils se sont, un jour, retrouvés au fond d’un égout, ils livrent chacun d’étonnantes réponses: «J’ai toujours plongé en mer ou dans des lacs. Mais ce qui me fascinait plus que tout c’était de descendre ici, dans les aguas negras» (Cu); «Moi j’ai lu une annonce où on demandait un plongeur. J’ai tout quitté et, avec ma famille, je suis venu ici, à Mexico. Et c’est alors qu’on m’a annoncé que c’était pour travailler au fond des égouts» (Conarubias); «Toute ma jeunesse, j’ai été fasciné par les expéditions du commandant Cousteau. Je rêvais d’aller au fond des océans. Mais la vie en a décidé autrement. Aujourd’hui je me contente d’explorer les eaux noires»(Barios).

Cette nuit il a plu. Luis a été appelé pour faire sauter un bouchon dans une canalisation. Il s’est couché à 3 heures. Ce matin, fatigué, les traits tirés, il enfile à nouveau sa combinaison orange. Elle est usée, rapiécée avec de l’adhésif, mais encore étanche. Le casque est verrouillé, l’oxygène et le micro branchés. Les eaux sont là, sous nos pas. On les sent bien avant de les voir, infectes, fétides, chargées de tous les péchés d’un monde en décomposition. Et noires. Archinoires. Carlos dit: «Les rejets des hôpitaux arrivent ici. Tout ce que vous pouvez imaginer de plus effrayant est là, à nos pieds. Et même ce que vous ne pouvez pas imaginer.»

Lentement, comme un nageur frileux, Luis descend dans cette encre nauséabonde. Les jambes d’abord, puis la taille, les épaules, le casque. Et puis plus rien. Juste quelques bulles, vite avalées par le courant. Luis a disparu. Digéré, au fond du boyau. Par un réflexe absurde de solidarité, on ferme alors la bouche et, un instant, on retient même sa respiration. Grâce au micro intégré dans le casque, on peut entendre la voix du plongeur. Elle est si lointaine qu’elle semble venir de la Lune. Luis dit que la pluie de cette nuit a rendu l’eau glacée mais que le courant est normal, régulier, fluide. Il dit aussi que quelque chose vient de le toucher, mais qu’il ne sait pas ce que c’est. «Avant de descendre, explique Julio Cu, on mémorise l’endroit de la canalisation où l’on doit intervenir. On connaît tous ces tubes par coeur. Et comme nous n’y voyons rien, nous devons par exemple savoir réparer ou changer une pompe immergée dans le noir absolu, simplement au toucher.» Et partout cette odeur qui remonte et qui flotte dans l’air, pareille à ces lourdes fumées d’automne, cette odeur si forte qu’elle en a presque un goût.

Quand l’occlusion est sévère, le plongeur peut rester au fond de ces ténèbres liquides pendant quatre ou cinq heures. «Il ne faut pas s’angoisser pour autant, dit Carlos Barrios en regardant le fond. Le problème, on doit le résoudre dans sa tête. Par exemple en se répétant: je plonge dans un élément liquide. Et de l’eau, après tout, ce n’est jamais que de l’eau.» Maintenant on ne distingue même plus les bulles qui, tout à l’heure, remontaient du scaphandre de Luis. Sa voix semble avoir de plus en plus de mal à se faufiler dans le câble de liaison. Et là, nauséeux au coeur de toute cette pourriture, on prend vraiment conscience de la tâche démesurée de ces hommes, de leur courage absolu, de cette fierté ancestrale qui, chaque jour, leur donne la force de descendre un peu plus profond dans la panse du «monstre». Tout à l’heure, couvert de détritus, Luis remontera de la galerie. Il dira à Cu que tout est en ordre et ira se laver avec des seaux de détergent.

Pendant ce temps, à l’autre bout de la ville, un autre bouchon se formera. Il faudra manger quelque chose en vitesse, à nouveau s’équiper, replonger, avancer à tâtons dans le noir, chercher la tête de l’âne ou le moteur de la Datsun, cureter lentement les parois du boyau, sentir l’eau s’évacuer dans l’aspiration du siphon et, à ce moment-là, serrer la corde très fort, comme l’on s’accroche à la main d’un mourant, en rêvant que là-haut, paisible au fil de l’eau, attend la «Calypso» du commandant Cousteau.


Jean-Paul Dubois - Le Nouvel Observateur